Mille morceaux par Philounrs

Premier réflexe : lire la 4ème de couverture. Le décor est posé : drogue, douleur, odeurs de mort et d'amour. Une accumulation de clichés qui ne présageait en rien de ce qui m'attendait par la suite.

Lundi matin, 7h50, métro ligne 1. Je m'assois. Je sors 1000 morceaux de mon sac et commence ma lecture.
Au bout de 3 lignes je suis entièrement aspiré. Au bout de 3 pages c'est l'envoutement total. Putain d'écrivain, putain d'écriture !

De la pure rage. Un style à l'état brut. Les mots chauffés à blanc fusent, perforent mon cerveau. Les phrases m'assomment. Je suis sous le choc.
Le choc d'un récit d'une reconstruction, d'une renaissance.

Extrait :

A la fin de l'épisode elle a changé du tout au tout. Elle est
complètement clean, a recommencé sa vie à zéro. Ça se termine sur une
scène où elle marche dans la rue avec le Médecin, tandis qu'un jeune Retriever à poils dorés gambade à leurs côtés.

Mais pour parcourir le chemin de la rédemption il faut payer. Le prix fort.

Extrait :

Si c'était possible, je retrouverais les auteurs de cette saloperie de
conte de fées merdique et je les enfermerais dans un pièce, je leur
ferais bouffer de la drogue jusqu'à ce qu'ils soient complètement et
sévèrement accrocs. Je leur provoquerais une overdose et je les
emmènerais dans la Salle des urgences de l'hôpital du Ghetto le plus
proche, je les abandonnerais sur le perron juste à côté des SDF armés
de couteaux des Toxicos sidéen, des Flics et des Ambulanciers en train
de fumer leur clope. Je les laisserais y passer quelques jours, et
puis je reviendrais pour voir comment ils iraient. S'ils étaient
encore vivants ou encore dans le coin, ce qui serait très improbable,
je leur demanderais si leur expérience a quoi que ce soit de commun
avec celle qu'ils ont présentée au Public. Je leur demanderais s'ils
ont achevé leur Cure de Désintoxication et s'ils se sentent bien. Je
leur demanderais s'ils sont allés à leur première réunion des AA,
s'ils ont trouvé un nouveau Boulot et un nouvel Appartement. Je leur
demanderais s'ils sont tombés amoureux autour d'un dîner aux
chandelles, s'ils ont connu l'extase physique comme jamais ils ne
l'avaient connue. Je leur demanderais s'ils ont acheté leur nouveau
Retriever à poils dorés. Quand ils auraient répondu non non non je vous
en prie qu'est-ce que je fais maintenant non merde alors je suis foutu
non je vous en prie aidez-moi non non non non, je leur demanderais
comment ils comptent parler de leur Dépendance au Public. Je leur
demanderais s'ils ont l'intention de la rendre romantique, de la
glorifier, de la minimiser, ou de la dépeindre le plus faussement
possible. Non non non je vous en prie qu'est-ce que je fais
maintenant non merde alors je suis fou non s'il vous plaît aidez-moi
non non non non. C'est bien ce qu'il me semblait espèce d'Enfoirés .
Non.

Le prix de sa chair, de son sang. Le prix à payer est la douleur. La pire douleur que vous puissiez même concevoir. Pourtant rien de christique. Car c'est la seule chose qui pourra vous aider, si vous la supportez, à surmonter l'appel de la Drogue.
Si l'histoire, déchéance absolue de l'esprit et du corps, vous prend aux tripes, laissant un nœud à l'estomac en fin de lecture. Si on est bouleversé par cette colère absolue. Si on est noyé dans cette abîme humaine et humaniste.Ce qui m'a définitivement achevé, c'est le rythme.

Ma lecture est frénétique, apnéique.
Hypnotisé que je suis par ces phrases écrites comme dans un dernier souffle vital. Exit le superflu. Les mots vont droit au but par le chemin le plus court. Celui qui frappe le plus fort.
Si ces pages étaient un ring, James Frey serai sans conteste le meilleur boxeur, the Raging Bull.