- Tu vois 1000 Plateaux c’est comme un super vélo à 1000 vitesses. Tu pédales pas mal pour comprendre, parfois tu moulines, mais des fois tu gravis des sommets que tu n’aurais jamais pensé franchir, à toute allure.
- J’ai toujours pas pigé ce que c’est qu’un « plateau ».
- C’est comme… C’est un plan d’immanence, composé d’agencements de concepts, de dates, de figures qui permettent, si tu veux, de penser l’organisation de la réalité à nouveaux frais.
- C’est ton cerveau qu’est pas frais.
- Tu rigoles ? 1000 Plateaux c’est le pédalier du Disque-Monde !
Ainsi peut-on (doit-on ?) aborder cette œuvre de Guattari&Deleuze : avec humour et enthousiasme. J’avoue, la métaphore du vélo ne va pas chercher loin. Mais on ne peut pas introduire réellement à la facture de l’ouvrage que par ce genre de tournure décalée. Et c’est sûrement une des qualités de l’écriture du livre qui l’a rendu si sympathique à autant de lecteurs différents : « livre pour tous et pour personne » comme disait Nietzsche (c’est un bel hommage que de faire parler le Grand Moustachu). Car il faut suivre, et il est facile de se perdre dans ces plateaux, ces strates géologiques de concepts forts mais parfois bruts, non-raffinés : au lecteur d’opérer la transformation des injonctions, de traduire en sa langue mentale toutes les signes esquissés par le double-philosophe Deleuze&Guattari. C’est là le risque et la réussite de l’ouvrage. DIY : dé-fais toi toi-même scande le livre.
Livre de philosophie c’est-à-dire livre-concept, légèrement imagé, à la prose tantôt magmatique, digressive, scientifique, linguiste, tantôt fulgurante, poétique, 1000 Plateaux est fécond en concepts décisifs et fascinants : déterritorialisation, corps-sans-organes, lignes molaires - lignes moléculaires - lignes de fuite, devenir-animal – devenir-intense – devenir-imperceptible, ritournelle, agencements, plan d’immanence, nomadologie, etc. Tout ce lexique qui fait que « le siècle sera deleuzien » pour reprendre la formule de Foucault. Vraiment, un cortège de concepts vitaux qui se veulent opératoires. Et qui peuvent l’être si l’on prend le temps d’approfondir la lecture (ce qui n’est tout de même pas évident).
Il faudrait 1000 textes et 1000 lectures pour bien traiter l’ouvrage. Le commentateur moutonne.
Qu’à cela ne tienne. On y revient, toujours avec plaisir, avec perplexité, et parfois l’on fait des découvertes étonnantes. A vous de dire.