Modèle vivant
5.9
Modèle vivant

livre de Joann Sfar (2018)

Arrêtons un peu avec le harcèlement, moi des tonnes de femmes me sautent dessus

Au départ, j’ai décidé de lire ce livre car la quatrième de couverture m’a plu et que j’étais curieuse de découvrir par le roman un auteur que je ne connais que par la bd. Sauf que cette histoire des modèles qui veulent faire eux-même leur portrait n’a pour moi aucun rapport avec ce livre. Pour moi il s’agit de l’autobiographie d’un homme de la quarantaine qui, comme beaucoup d’autres, trouvent qu’ils ne peuvent plus rien faire, plus rien dire, sans passer pour des prédateurs sexuels. Sauf que lui pense qu’il a du mérite à oser l’écrire car aujourd’hui tout le monde a tendance à s’autocensurer. C’est drôle de se trouver révolutionnaire à écrire un avis qui est sans doute partagé par 20 % des hommes de sa génération. C’est drôle parce qu’il n’est pas rare dans le cinéma de voir des hommes tenir ce même propos en se flattant d’oser dire les choses.
L’auteur répète beaucoup qu’il ne faut pas chercher à comprendre et à politiser les choses mais qu’il faut les dessiner telles qu’elles sont, pourtant il ne peut s’y tenir et c’est dommage. Les passages les plus autobiographiques mériteraient pour moi un 7/10 tandis que les envolées bougonnes d’un homme qui essaie de prouver qu’il n’est pas coupable ne peuvent pour moi obtenir plus de trois. Car j’ai eu cette impression, celle de lire un livre écrit seulement pour se déculpabiliser, pour dire « vous voyez bien, c’est les femmes qui me sautent dessus, c’est les femmes qui sont des prédatrices et ce ne sont que des femmes qui me font du mal ! ». Sauf qu’il est relativement inintéressant d’observer un quarantenaire se débattre pour se prouver à lui -même qu’il n’est pas coupable, surtout quand il passe par des détours assez étranges, en mettant par exemple en valeur le fait que certaines femmes sont bien contentes de pouvoir sucer des bites pour avoir des rôles et que lui dans ses équipes il n’y a aucune forme de harcèlement. Ça existe, c’est une vérité, mais qu’est ce que ça change au harcèlement ? Faut-il remettre en question les violences parce qu’il y aussi pour d’autres des rapports consentis ? Où veux-tu en venir ? Et surtout où veux-tu en venir lorsque tu dis « Cette semaine il y a eu les Golden Globes. Les comédiennes américaines étaient toutes en robe noire pour porter le deuil ou décréter leur solidarité envers les victimes de harcèlement […] Oui, mais elles avaient quand même des robes de pute. J’ai le droit de l’écrire, cette phrase ou elle est compliquée ? On a le droit de mettre le doigt sur la comédie qui se joue ? » ? Tu veux dire qu’elles ont cautionné un système basé sur le machisme pour en arriver là et qu’il serait bien audacieux de se plaindre maintenant du harcèlement ? Ou que chacune transforme une promotion canapé en harcèlement quand ça l’arrange ? Et puis dis-moi, c’est quoi une robe de pute ?
C’est l’histoire d’un mec qui dit qu’on ne peut plus dire ce qu’on pense, pour dès le départ se mettre en position de victime et pouvoir déclarer à chaque critique : « Vous-voyez bien, aujourd’hui on ne peut plus rien dire ! ». C’est dommage, sans ce blabla assez creux à base de Moi-victime le livre m’aurait assez plu. Dommage qu’il y ait ces 10 % du livre qui gâchent tout.

Woniya
4
Écrit par

Créée

le 6 avr. 2020

Critique lue 235 fois

Woniya

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