Sans doute avez-vous entendu parler de Malala Yousafzai, la jeune Pachtoune qui a défié les talibans qui interdisaient l'école aux jeunes filles du Nord du Pakistan.
Ce livre est une bonne synthèse de son histoire. Il est découpé en courts chapitres de moins de dix pages. Il est illustré d'un cahier central avec des photographies familiales et officielles retraçant le parcours de la jeune fille. Il est agrémenté d'un apparat critique : glossaire et chronologie. Il ne manque d'une carte de la région de Mingora pour compléter le tableau, mais sinon c'est taillé pour un CDI de lycée.
Le livre a en réalité été écrit à deux mains : le récit est bien celui de Malala, mais a été rendu accessible par Mme McCormick. La construction est assez classique : introduction in medias res sur le moment de bascule, quand des talibans arrêtent le car scolaire pour attaquer la jeune fille. Puis flashback qui remonte aux origines de la situation. Puis retour à ce moment et à la reconstruction qui suit, dans la banlieue de Birmingham. Ce schéma éprouvé n'empêche pas qu'on ressent la personnalité de la jeune fille.
C'est donc le récit d'une famille de Pakistanais musulmans mais curieux du monde, dont le père est directeur d'écoles, la mère illettrée, avec une fille aînée modèle et deux garçons un peu plus cossards, face à la montée des talibans dans les zones tribales. Un récit de courage face à la terreur qui s'installe peu à peu. D'abord par des émissions de radios pirates vomissant les infidèles, puis par des incidents, puis des attentats, avec des tabous de violence qui sautent (violences contre des femmes, plastiquage d'écoles). Puis une intervention de l'armée centrale qui ne résoud rien, et le retour de la mise au pas en sourdine.
En parallèle, une jeune fille qui a sa petite vie de disputes avec ses frères, de chamaillerie avec sa meilleure amie, sa compétition pour les notes. Et qui, après un blog tenu sous pseudonyme, puis une une première interview, prend goût à la médiatisation et veut l'utiliser pour amener les responsables, pris par des enjeux géopolitiques bien différents, à défendre des jeunes filles qui veulent continuer à aller à l'école.
Et puis, donc l'attentat. Trois balles, dont une qui passe entre l'oeil et le cerveau. Un réveil après une semaine de coma dans un lieu complétement étranger (l'hôpital de Birmingham), sans la famille (restée au Pakistan car le Ministre veut arriver en même temps qu'eux en Angleterre), avec une moitié du visage paralysée. Un travail de chirurgie puis de reconstruction. Et une forte exposition médiatique, qui fait moins peur à la jeune fille que la nécessité, faute de pouvoir revenir dans sa chère vallée de Swat, de s'adapter à un cadre plus développé et plus terne, celui de la banlieue anglaise. Mais aussi beaucoup de projets, menés avec une détermination assez naïve et pure. Comme lorsque, en rencontrant le président Obama, elle lui glisse qu'utiliser des drones tueurs, qui frappent aussi des civils, ça ne fait qu'aider les terroristes. Je vois d'ici le sourire plaqué qu'a du prendre Obama en entendant ça. Et puis donc le passage à la tribune de l'ONU et le prix Nobel de la paix en 2014.
Il serait stupide de voir dans cette jeune fille une icone onusienne créée de toutes pièces. Le récit de sa résistance, à son échelle d'adolescente, me touche beaucoup, car je vois à travers elle mes élèves, et je ressens une profonde admiration pour son courage exemplaire. Son histoire, son parcours sont éminemment inspirants. Et si le discours sur l'éducation est basique, il est difficilement attaquable, avec une dimension non-violente qui force le respect. Il fait plaisir, l'aplomb de cette jeune fille. On sent l'influence de Bennazir Bhutto, dont l'assassinat a marqué la famille, même si on souhaite à la jeune fille, qui ne cache pas sa volonté de faire de la politique, un parcours moins tragique, mais aussi moins tortueux.
Encore une fois, Moi, Malala est un incoutournable du CDI. Faites-le acheter et conseillez-le. ça ne peut que plaire aux ados.