Incontournable Roman Juin 2024



Je l'attendais de pied ferme ce roman, parce qu'une couverture qui laisse présager un grand-papa en maillot rose avec son petit-fils sur les épaules, c'est, un mot: Incontournable. Restait à voir si ce roman avait un contenu intéressant et je dirais que c'est le genre de récit déjanté un peu fou-brac qui parvient néanmoins à traiter de dimensions sociales pertinentes.



Frank John Davenport, dont le prénom se porte de père en fils, voit son quotidien solitaire changer le jour où sa grand-maman paternelle, Nora, lui lègue près de 460 000 livres sterling, avec la très précise mission de prendre soin de son grand-père. Résultat d'un imbroglio ou réelle intention pour le moins culottée, on ne saura jamais, car la lettre adressé à Frank John Davenport n'est pas sans ambiguïté quand à savoir à quel Frank elle s'adressait. Pour son père, un charlantan toujours fourré dans quelque plan malhonnête impliquant la vente, il s'agit d'une regrettable erreur. Il va s'évertuer à lui demander de prendre cet argent, chose que la maman de Franck semble pour une fois d'accord avec son andouille de mari. Seulement, Frank deux fois junior est bien décidé à mener à bien cette mission et il est plus qu'heureux se découvrir un grand-papa. Et puis, avec une récompense à la clé, difficile de ne pas se sentir motivé. C'est ainsi que notre jeune presquado de 11 ans se voit confier un demi-million de livres et qu'il franchit les portes de la résidence des Feuilles d'automne avec la ferme intention de faire vivre à son papi une fin de vie haute en couleurs.



Ce roman m'évoque le beau film de "Maintenant ou jamais" ( The Buckelist ), dans lequel deux hommes d'âges murs et condamnés par une maladie décident de faire une liste de tout ce qu'ils aimeraient expérimenter avant de mourir, l'un des deux hommes étant absurdement riche.



J'ai vraiment trouvé la narration entrainante et comique d'emblée, avec le grain d'humour si propre aux anglais de faire dans le rocambolesque et dans les personnages adultes parfois fort grotesques. Déjà, Frank nous dépeint une famille dysfonctionnelle, avec une maman découragé de devoir gérer deux enfants: son mari et son fils de 11 ans. Frank James Davenport, au-delà du ridicule romanesque, est dans le fond un parent irresponsable, incapable de jugement critique, toujours à chercher des façons malhonnêtes et roublardes de faire de l'argent, tel le type de vendeur que tout le monde déteste. Il fait passer ses besoins avant celui des membres de sa famille et globalement, manque beaucoup de maturité. Il en est vraiment devenu pathétique illustre combien certains adultes ne semblent jamais devenir adultes. La maman de Frank est quand à elle plutôt superficielle, mais au moins elle travaille. Les deux parents deviennent de véritables héritiers affamés cherchant à tout prix à prendre une somme qui ne leur appartient pas, mais dont ils estiment être les véritables dépositaires. Le plus triste dans tout ce bazar est le fait qu'à aucun moment ils ne semblent réaliser que c'est le grand-papa Frank qui aurait du en principe avoir cet argent. Toutefois, il y a sans doute eu chez Nora la réflexion que son mari en perte de capacité neurologiques n'était peut-être le plus apte à gérer cette somme.



Ça nous amène donc à la "Liste". Frank est un enfant qui se sent seul, on pourra le sentir dans le récit à plusieurs moments et l'occasion de rencontrer son papi est donc une opportinité d'avoir enfin un membre de sa famille qui se soucie de lui et qui sera présent. Du moins, c'est le souhait profond de Frank, car a priori, papi Frank n'est pas le plus accessible des hommes. Morose et malheureux depuis le décès de son épouse, Papi Frank semble ne plus savourer la vie et l'arrivé de son petit-fils jusque là inconnu ne semble pas vouloir le motiver à changer ce état de fait. Cela dit, comme on le verra, le jeune garçon a de grands projets bien audacieux pour apporter du peps dans la vie de son grand-papa. Promenade en montgolfière, concours canin, nage synchronisé, il y a de tout et peu à peu, le papi se déride. Il a plus de ressources qu'il ne le croit et ses capacités sont proprement trop incroyables pour être crédibles. Non, mais soyons réalistes, ce n'est pas un olympiens ce grand-papa et je ne calcule plus le nombre de fractures qu,'il se serait faite s'il était vraiment in aîné. Mais on pardonnera bien ce manque de réalisme dans la mesure où ça fait du bien de changer de paradigme concernant les ainés, trop souvent campés dans des rôles inertes, grabataires ou d'incapables.



C'est d'ailleurs un aspect que j'affectionne ici, ce dynamisme chez les aînés, certains très en forme, d'autres jeunes de coeur. Il faut dire que le jeune Frank ne s'est pas contenté de rendre la vie de son grand-papa plus divertissante, il a aussi changé celle des résidents des Feuilles D'Automne. Je pense que c'est là tout le charme de cette histoire, celle d'un membre de la jeune génération apporter de la modernité et du confort aux membres de la plus vieille génération. Frank a été réellement généreux et il aurait facilement pu combler ses propres caprices matériels avant de subvenir aux besoins de son grand-papa, mais il a préféré gâter un tas de personnes âgées. Il découvre ainsi une réelle leçon de vie, dans laquelle les choses importantes n'ont pas de prix et que le bonheur tient des liens que l'on noue avec autrui. Son dernier achat avec le demi-million va en ce sens.



La question du pardon est également présente, car les deux Frank, le papa et le grand-papa, sont en froid. On ne saura pas qu'est-ce qui fut à L,origine de ce froid, mais on sait qu'il a empêcher les deux hommes de se parler des années durant. Alors même qu'on lui demande de pardonner la bêtise et les décisions dommageables de son père, ce dernier refuse de faire de même avec le sien. Pour le jeune Frank, les adultes peuvent sembler bien contradictoires.



Mention spéciale aux nombreux pied-de-nez aux stéréotypes, tel que la capitaine de nage synchro, Florence, qui a un autre métier totalement impossible à deviner et un côté casse-cou endossé avec brio, ou encore le personnage de Stephen, apparemment le seul employé de la résidence, qui malgré un physique ingrat et un job qui peut l'être tout autant, est une soie avec ses résidents. Il y a aussi Bruce, le gars des Monstertrucks de petite taille avec des ongles manucurés et des sourcils impeccables, ainsi que Paul, le mari sensible de Janice, qui a une douceur fort attendrissante pour tout ce qui vit. Il y a des personnages décalés et rafraichissants dans ce roman, j'en sied gré à leur autrice.



Ce roman me fait penser à ces gâteaux dont la coupe révèlent sept étages de couleurs arc-en-ciel et un coeur remplie de mini M&M. C'est pétillant de malice, truffé de profils atypiques, le tout indéniablement tendre et même un peu crève-cœur par moment. Après tout, c'est tout-de-même l'histoire d'un enfant qui se sent seul et d'un grand-papa tout aussi seul qui a un début de démence ou d'Alzeihmer. La fin est cependant fort jolie et un peu américaine sur les bords, mais ça lui va bien et ne tombe pas non plus dans le sensationnalisme le plus absurde...même si voir un enfant de 11 ans avoir une carte sur laquelle il y a 460 000 livres est assurément absurde! Frank a mené sa mission à bien et j'ose croire que les adultes autour de lui en auront prit de la graine. Un roman qui donne également la tribune aux personnes du troisième âge, tout en traitant de l'importance des liens, qu'ils soient de sang ou non.



Pour un joyeux lectorat intermédiaire de 10-12 ans et plus!

Shaynning

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