"Blancs ou Noirs, elle sert trop bien les hommes, la vie !"
Le procès des sorcières de Salem est un bout d'Histoire très connu, implanté jusque dans la pop-culture. Mais un personnage est très souvent laissé dans l'ombre : Tituba. Tituba, l'esclave, la sorcière, vue comme une demi-femme, à peine humaine non pas à cause de ses supposés pouvoirs mais du racisme. C'est d'ailleurs ce qui l'a paradoxalement sauvé du bûcher. Ils la détestaient et la méprisaient, et même de leur vengeresse tuerie elle n'était pas digne.
Maryse Condé, dont la plume, le talent et l'engagement ont été récompensé par le Nobel Alternatif de Littérature de 2018, nous livre ici l'histoire de Tituba dans son ensemble, pas la seule période de Salem qui devient presque anecdotiques. Et quel tour de force de prendre le lecteur à revers. Combien avons nous été à prendre ce livre en ne pensant qu'au procès de Salem ? Maryse Condé nous parle de la Barbade, du temps où Tituba était libre. Elle nous parle de son coeur si faible face aux hommes, permettant d'aborder de manière fine la perception des oppressions et la manière dont elles se hiérarchisent dans nos regards. Par l'histoire de Tituba, on découvre les grandes Histoires que sont l'esclavage, les procès misogynes pour sorcellerie, la haine des hommes, la pauvreté ; par la lorgnette de la petite histoire et de sa vie. Celle d'une femme qui se cherche, vit des expériences, belles ou mauvaises, et qui suit son chemin tant bien que mal pour rester fidèle à ses valeurs.
"J'aperçus de nombreux visages de la couleur du mien et je compris que, là aussi, les enfants d'Afrique payaient leur tribu au malheur"
"La vérité arrive toujours trop tard, car elle marche plus lentement que le mensonge"
"Hester, Hester, tu ne serais pas contente de moi. Mais certains hommes qui ont la vertu d'être faibles, nous donnent désir d'être esclaves ! "