Le roman commence pourtant sympathiquement. On suit les pensées et l'humour acerbe de Paulo, gamin de cité dont le père fait des ménages pour subvenir aux besoins d'une famille de la France d'en bas (mère handicapée, soeur crétine qui rêve de devenir miss). Un coté "Petit Nicolas" de cité sympathique a priori qui affronte les écueils de l'adolescence moderne (changements physiques, découverte de l'amour, importance du statut social) avec quelques cailloux dans sa chaussures mais aussi une curiosité incroyable et un esprit d'analyse affûté.
C'est là que le bas commence à blesser. A l'instar des comédiens enfants au cinéma, Paulo est capable de réflexions d'une maturité incroyable (où on retrouve très certainement beaucoup l'auteur), qu'il ait 10 ou 18 ans, devenant une créature monstrueuse et irréelle qui désamorce le fond social de "Mon père est une femme de ménage". Azzeddine se complique la tâche et saborde ses efforts pour rendre compte de la chaleur de la vie de quartier ou de la cruauté adolescente (pourtant les passages les plus sympathiques du livre).
Paulo souffre aussi d'un autre mal : celui d'être l'expression du fantasme de l'auteur. Très compliqué pour moi de retrouver le petit garçon (pourtant fleur bleue) que j'étais en lisant les réflexions (amoureuses surtout) du héros et vraiment difficile d'y reconnaître des comportements connus. J'ai eu l'impression que ces passages étaient un exercice de style où Saphia Azzeddine nous livrait la façon dont elle s'imagine l'adolescence masculine d'un point de vue émotionnel et même physique (la soirée juive est ridiculement gâchée par des éjaculations précoces à répétition).
Ceci étant, elle pose sur son personnage un regard tendre mais sans trop de complaisance. Paulo est plus cultivé que sa famille, il en est conscient mais il ne manque pas d'occasions de vérifier qu'il peut se comporter comme un ado égocentrique et méprisant. En général, c'est quand la difficulté de Paulo à accepter son milieu social est trop grande et qu'il en vient à détester ce père qui est "trop peu" que le retour de flammes ne manque pas d'arriver. En découlent de jolis passages d'amour filial intériorisé qui trébuchent parfois à cause d'une ironie balourde (particulièrement dans les dernières pages du roman).
Sympathique mais extrêmement bancal et souvent encombré de détails pas franchement utiles (l'histoire avec l'oncle), le roman manque un peu ses cibles : la chronique sociale tombe à l'eau, la faute à une ironie complice un peu lourdingue, et l'aspect sentimental m'est apparu boiteux et fantasmé (dans le mauvais sens du terme évidemment). Le film s'en sort peut être finalement un peu mieux.
NicoBax
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le 9 avr. 2012

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