Monde sans oiseaux, de Karin Serres
Il était une fois un monde où les oiseaux avaient disparu depuis si longtemps qu’on pensait que leur existence était une légende. Au cœur de ce monde, il y avait un lac dont les eaux montaient inexorablement, et un village dont les maisons étaient élevées sur roues pour les éloigner des flots. Dans le lac, des cochons roses fluorescents nageaient au-dessus d’une forêt de cercueils.
Il était une fois une jeune femme que son père, le pasteur du village, avait prénommé Petite Boîte d’Os après une illumination au sujet de son crâne et de son cerveau. Petite Boîte d’Os tombait amoureuse de son voisin, le vieux Joseph, qu’on soupçonnait de cannibalisme, mais ce n’était qu’une péripétie de sa drôle de vie dans son drôle de village…
Il était une fois une dramaturge qui s’appelait Karin Serres. Elle écrivait un premier roman dont le titre énigmatique était Monde sans oiseaux. C’était un petit livre, une centaine de pages à peine, mais en le lisant, on se demandait comment il pouvait être si riche, si plein d’idées, si juste et si émouvant à la fois.
Monde sans oiseaux était un conte, dont il était difficile de raconter l’histoire, car elle était faite d’une multitude de détails, de jolies inventions, d’un imaginaire foisonnant dont l’existence même surprenait -avant de l’envoûter – le lecteur (trop) habitué au monde étriqué, pragmatique et réaliste dans lequel il vivait.
D’ailleurs, Monde sans oiseaux était aussi une fable qui parlait de cela, de notre monde que la modernité rendait trop froid, trop gris, coupé de la nature, privé peu à peu d’humanité – ce monde dont celui de Petite Boîte d’Os était un négatif, où le quotidien était fait de merveilleux mais aussi d’effroi, où la mort frappait aussi cruellement que la vie était vertigineuse, où l’amour enfin vibrait en peu de mots mais avec quelle force !
Il était une fois une nouvelle romancière qui s’appelait Karin Serres. Elle ouvrait une porte sur les rêves et les cauchemars et nous la faisait franchir sans trembler, et nous voguions avec joie, bercés par la houle rassurante de sa voix littéraire, à la fois inventive et précise, belle et singulière.
Et elle vous invitait tous, et avec elle les Cannibales conquis, à vous évader dans son fabuleux univers. Même si les oiseaux en avaient disparu.