Peu de temps après avoir vu Un singe en hiver, l'excellent film d'Henri Verneuil tiré de son roman le plus fameux, je me réjouissais de lire du Blondin, ayant remis la main sur un vieil exemplaire de poche de Monsieur Jadis, ajouté à ma bibliothèque à l'époque lointaine où, adolescent féru de littérature sportive, j'avais croisé le nom de l'auteur dans divers recueils de chroniques écrites pour le journal L'Équipe.
La lecture s'est hélas avérée un brin décevante. Publié en 1970 alors qu'Antoine Blondin approchait la cinquantaine, ce soi-disant roman - en réalité une autobiographie à peine déguisée - ne présente pas grand intérêt du point de vue narratif. On ne saurait reprocher à l'auteur de vouloir parler de lui, après tout d'autres l'ont fait de façon bien plus médiocre et moins justifiée, mais le récit de beuveries homériques dans les bars du Quartier latin, bien souvent conclues dans la fraîcheur aurorale d'un commissariat de police, n'a rien d'édifiant. On sent bien que Blondin cherche ici à préserver les liens ténus qui le relient à sa jeunesse, ce double d'antan qu'est M. Jadis incarnant avec nostalgie une époque révolue, mais pour le lecteur l'intérêt à parcourir ces souvenirs n'est que très relatif.
D'autant plus que Blondin, certes fine plume, cède trop volontiers à la tentation du bon mot, de la formule choc, du trait d'esprit sur papier. Une fois de temps en temps, pourquoi pas, mais une fois par page, c'est trop...
On ressort cependant de cette lecture marqué par la relation de l'inaltérable amitié que vouait Blondin à Roger Nimier, son cadet de trois ans, écrivain lui aussi, décédé un soir de septembre 1962 au volant de sa voiture de sport. Après tant d'ineptes récits de cuites soignées en cellule de dégrisement, le mélange d'admiration et de pudeur avec lequel Blondin raconte les derniers moments passés avec son ami suscite enfin l'émotion tant recherchée.