Dans tous les sens
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Je pourrais dire que Monty Python : Sacré Graal ! (ce livre, pas le film) est un très bon travail de lycéen, qui aurait pu être le fruit de qui s’appelait autrefois « T.P.E. » On y trouve le même genre d’imprécisions (parler de « l’épisode du cheval de Troie, développé dans l’Iliade d’Homère », p. 47, montre surtout qu’on n’a pas lu Homère), et la même tendance à tout vouloir expliciter – « une impression d’accent suédois est transmise par l’usage de graphies vaguement phonétiques, ainsi que de lettres et signes diacritiques absents de la langue anglaise, comme le ø » (p. 99, à propos du générique d’ouverture).
Mais en rester là serait faire preuve d’une malveillance que Monty Python : Sacré Graal ! (toujours le livre) n’appelle pas. D’une part, le bouquin s’appuie sur une connaissance solide de son sujet. Le vieux schnock qui sommeille en moi trouvera que c’est la moindre des choses, mais le rat de bibliothèque et de librairie qui vit sur le même palier lui répondra que ce n’est pas le cas de tous les essais, en particulier dans les rayons « cinéma ». Et quand je dis « son sujet », je ne parle pas seulement de Monty Python : Sacré Graal ! (le film, cette fois), mais aussi du contexte : l’autrice s’appuie sur le cycle arthurien, sur divers entretiens des membres de la troupe, sur des éléments de contexte… (Et le schnock et le rat reprendront leur colloque.)
D’autre part, il ressort de Monty Python : Sacré Graal ! (le livre) une évidente générosité : en s’efforçant de fouiller suffisamment le propos, en le structurant, en revenant sur les idées maîtresses, en proposant huit pages de photogrammes qui l’illustrent… (Le schnock : Mais le cinéma est un art de l’image, bordel ! Vous trouveriez normal qu’un livre sur le cinéma ne s’appuie sur aucune image ? – Le rat : Normal je ne sais pas, mais c’est répandu.)
Enfin, on trouve çà et là des interprétations judicieuses, que même un spectateur récidiviste et attentif de Monty Python : Sacré Graal ! (le film) pourrait n’avoir pas faites pour son propre usage. « Il s’agit d’une méthode de sonorisation traditionnelle du cinéma, qui constituait jusqu’ici une astuce simplement connue des bruiteurs. Les Monty Python s’appuient sur ce lien fragile pour remplacer entièrement les chevaux par leur équivalent sonore. Le sophisme est évident : le cheval est un moyen de locomotion ; la noix fait le même bruit qu’un cheval ; donc la noix de coco est un moyen de locomotion » (p. 56) : proposer cette analyse à propos du fameux épisode des noix de coco, ou encore noter que « ce sont des processus systématiques d’irruption qui donnent leur véritable cohérence au film : irruption de l’incohérent dans le raisonnement logique, irruption du XXe siècle dans le paysage arthurien, irruption du rire dans le sérieux et inversement » (p. 83) font partie de ces interprétations.
Somme toute, je me demande si les limites de Monty Python : Sacré Graal ! (le livre) ne sont pas celles que Monty Python : Sacré Graal ! (le film) impose : un très bon film, d’accord, mais qui finalement, en termes d’analyses et de concepts, ne permet tout simplement pas grand-chose de plus que d’explorer la notion de nonsense et, ponctuellement, tels ou tels traits de la postmodernité artistique – déconstruction, autoréférence –, car au fond, c’est de cela qu’il s’agit.
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Créée
le 13 août 2023
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