En 2012, lorsque j'ai pris ce livre en rayon, marketté comme antiféministe, j'ai eu un petit sourire cruel dévoilant mes dents pointues. L'éclairage à la fnac a pris une teinte verte clignotante, l'ambiance s'est assombrie, et j'ai cru entendre un chuchotement d'outre-tombe: "Viens. Rejoins-nous. Rejoins le Mal".
Ah non.
Je l'ai immédiatement reposé sur l'étagère, car je n'étais pas prêt. Il était encore trop tôt. Mais ce titre, "Moralopolis", s'était inscrit profondément dans ma mémoire, et je savais que je n'oublierais jamais.
Ce n'est que plusieurs années plus tard que je l'ai acheté: à nous deux, dystopie féministe. En cliquant sur "acheter moralopolis", je me suis imaginé que quelque part dans le monde, à cet instant, une twitteuse recrachait son rooibos, et fronçait ses sourcils bleus. Son sixième sens était déclenché, quelqu'un venait de faire quelque chose de problématique.
Malgré l'intérêt qu'il a initialement provoqué chez moi, j'ai vite compris que Moralopolis n'est pas un très bon livre. Il a les défauts ordinaires des fictions politiques: beaucoup du storytelling est sacrifié sur l'autel du "propos". Tout étant prétexte à le démontrer, les personnages manquent donc de naturel et de nuances. Surtout, l'autrice ne s'embarrasse pas à faire une bonne histoire. L'univers n'est pas présenté au travers d'une intrigue, on n'y est pas acclimaté progressivement en assistant à la mésaventure du héros.
Cet univers est juste exposé par le narrateur, sans fioritures.
Tout l'intérêt du livre tient donc dans le propos contre-féministe. Et là aussi il rate la cible, parce que les critiques sont un peu des hommes de paille. On ne reconnaît pas tellement les défauts "ordinaires" des idéologies féministes mainstream. On ne retrouve pas vraiment la ferveur militante qui leur fait parfois tenir des positions absurdement autoritaires en étant convaincu d'avoir le bien de leur côté.
On a en fait plutôt l'impression d'avoir dans ce livre un féminisme de droite. L'autrice ressort le coup de la société froide, aseptisée et optimisée, ayant recours à l'eugénisme. Avec une sauce féministe par dessus. Je n'y ai pas du tout reconnu les descendants de nos chers SJW nationaux, qui préfèrent s'improviser sociologues du dimanche plutôt que sorciers généticiens.
La conclusion de tout ça est qu'on a un livre avec une intrigue prétexte pour taquiner les féministes, mais qui ne le fait même pas correctement.