Mythe et épopée, tome I par Pikbilis_

Que le mythe soit une source d'inspiration de l'épopée ou que cette dernière soit une version dégradée du mythe, qu'ils entretiennent des liens étroits, est l'objet de la démonstration de l'historien Georges Dumézil.

Après avoir démontré que l'eschatologie scandinave et l'eschatologie indienne partagent une source commune, que l'eschatologie scandinave ne serait pas du tout un fruit de la christianisation, mais issue d'une source beaucoup plus ancienne, Dumézil s'attèle à expliquer la répartition tripartie des fonctions dans la primo-royauté romaine, avant d'étudier les mythes nartes.

Le mythe narte consiste en la croyance aux ancêtres mythiques dont prétendent descendre les habitants du Caucase. On retrouve différentes versions de ce mythe soit dans sa forme originelle tripartie chez les Ossètes (descendants des Scythes) soit dans une bipartie manichéenne chez les Tchéchènes et les Ingouches, probablement influencés par le folklore post-islamique. Abkhaz, Ossètes, Tcherkesses, Tchétchènes et Ingouches ont ou bien une mythologie commune ou bien leurs mythologies sont contaminées par des récits épiques d'origine indo-européenne. A la faveur de la première hypothèse les plus anciens récits nartes d'origine tchétchène sont trifonctionnels.Le mythe narte se compose de trois familles (sans rentrer dans les détails de leurs noms sybillins) qui correspondraient aux trois fonctions : prêtrise, guerrière et agricole. Chez les tchétchènes, le mythe narte se teinte de manichéisme en se divisant entre nartes et orxustoy ( étant eux mêmes des nartes mais "méchants et vils").

Similairement, le récit romain évoque une guerre mythique entre Latins(Ramnes)+Étrusques (Luceres) et Sabins (Taties). Les premiers après avoir kidnappées les filles des Sabins, leur font la guerre, avant de se fondre avec eux (synécisme). On retrouve le même schéma que pour les nartes, à savoir : une guerre mythique entre des ethnies mythiques différentes qui se fondent ensemble correspondant chacune à une fonction. A la différence près, que le récit romain a une portée politique et civique. Il fallait aux Romains fonder leur civilisation par l'épopée sur une lignée infaillible. Là où le récit narte explique la trifonctionnalité des Ossètes, le récit romain a une valeur performative. Il s'agit plus probablement d'une réécriture selon un très vieux matériau indo-européen commun.

Et les Scandinaves ? Leur panthéon se divise entre Vanes et Ases. La trifonctionnalité se retrouve dans la triade Odin-Thor-Freyr, ce dernier incarnant la troisième fonction agricole et sexuelle. Or c'est un Vane contrairement aux deux autres dieux qui sont des Ases (ancêtres mythiques, evhemerisme). Le récit épique scandinave raconte comment les Vanes et les Ases, après une guerre, se sont mélangés. On assiste alors à la juxtaposition fonctionnelle de plusieurs ethnies formant 1,2+3 fonctions, la troisième fonction venant de l'extérieur ?