Cette biographie est absolument passionnante, écrite par un des meilleurs spécialistes du 2nd Empire, Éric Anceau, enseignant à la Sorbonne. Elle nous montre à quel point Napoléon III doit être réévalué et même si le 2nd Empire souffre encore d’une « légende noire » auprès du grand public, des historiens et historiennes ont depuis quelques décennies travaillé dessus et continuent de le faire, montrant que le dernier souverain de la France vaut mieux que la caricature acerbe que Hugo en avait dressé avec son « Napoléon le Petit ». Malheureusement, cette caricature est encore largement diffusée, là où son oncle reste majoritairement admiré (voir le film à gros budget de Ridley Scott…Napoléon III y aura-t-il droit un jour ???...). Dès la IIIe République, de nombreuses rues, avenues et lieux crées sous le 2nd Empire sont débaptisés : l’avenue de Napoléon est devenue l’avenue de l’Opéra, celle de l’Impératrice l’avenue Foch…Bien au-delà de la caricature, l’auteur nous montre la complexité d’un personnage dont il nous dit dans l’épilogue que « son alchimie personnelle se composait d’un nom, d’une pensée longuement élaborée, originale et cohérente et du romantisme de l’action ». Un empereur largement modernisateur et visionnaire que ce soit dans l’industrie à laquelle il a donné un coup d’accélérateur essentiel, les transports, les communications ou bien sûr les aménagements urbains. Il a accueilli 2 fois des expositions universelles en 1855 et 1867, imposant Paris comme une des rares villes mondiales incontournables. C’est lui qui a coordonné les travaux de Marseille ou Paris, à travers le baron Haussmann, donnant à la capitale une bonne partie de son allure actuelle. Son action sociale a été réelle bien que très incomplète (la dépénalisation de la grève en 1864 par exemple). Il a aussi libéralisé de lui-même son régime (de façon très contrôlée certes), ce qui est un « fait rarissime chez un souverain autoritaire » nous rappelle Éric Anceau. Il ne s’agit pas dans cet ouvrage d’en dresser le panégyrique. Napoléon III était parfaitement faillible (et ne prétendait pas le contraire d’ailleurs) mais il était poussé par un élan, une force viscérale afin d’égaler son oncle. Il a commis des abus de pouvoir et de lourdes erreurs en particulier en politique étrangère : se lancer dans le « guêpier mexicain », sous-estimer la puissance prussienne…On prend un vrai plaisir à lire ce récit d’une vie riche, pleine de rebondissements et qui s’est achevée dans la défaite et l’humiliation de 1870. Napoléon ne s’en est jamais remis dans son exil britannique. Il était persuadé que cette défaite n’était qu’une trêve et qu’un autre conflit était à prévoir dans le futur. En cela, comme en pas mal d’autres domaines, il s’est révélé passablement visionnaire.