Le roman de Jaime Bayly "Ne le dis à personne" ( No se lo digas a nadie ) n’a rien à voir avec livre éponyme de Harlan Coben. Il s’agit de l’histoire de Joaquín, un jeune liménéen, durant les années 90. Ses parents traditionalistes lui offrent une éducation coincée entre la rigueur catholique et la sévérité conservatrice de la bourgeoisie péruvienne.


Nous le suivons lors de ses humanités, dans un collège huppé de la capitale où il accepte de devenir l’esclave du seul ami qui se lie avec lui. Des jeux "touche pipi" lui font prendre conscience de son attirance pour les garçons. Toutefois dans cette société sud américaine il ne faut jamais dire à quiconque ses penchants. Il en résultera de blessantes trahisons. Sa mère, belle hystérique rêve pour son fils aîné préféré une carrière d’ecclésiastique alors que son paternel le verrait bien en militaire. Impossible pour Joaquín de se conforter au moule parental. Assez vite il apprendra à masquer ses désirs, slalomant entre les souhaits contradictoires de ses géniteurs. A 15 ans, en guise de cadeau d’anniversaire, son père lui offre une pute pour le déniaiser. Plus tard il l’emmènera à la chasse pour en faire un vrai mâle. Le pater familias ne supporte pas le voir telle "une poupée de porcelaine" refuser de jouer les petits machos. Si la mère se révèle une grenouille de bénitier s’acoquinant avec l’Opus Dei, le père ressemble à une caricature de macho raciste.


Du coup Joaquín va se construire petit à petit, n’hésitant pas à se mêler aux agissements homophobes de ses condisciples jusqu’à affirmer sa véritable identité.


Ce roman est l’occasion pour Jaime Bayly de dépeindre la société péruvienne, de son enlisement dans l’hypocrisie où rien ne peut bouger. D’une certaine façon Joaquín se laisse mollement porter par le courant de ses désirs. A l’occasion il baise avec un footballeur, des acteurs, des étudiants. Il use et abuse de la cocaïne -si bon marché- à Lima. Profitant de son origine sociale il évite les écueils de la justice, tout s’achète et est corrompu.


Bayly critique sévèrement son pays, ses institutions, sa caste dirigeante. Les blancs n’ont que mépris pour les métis avec un racisme d’une rare violence qui explique le climat de terrorisme de l’époque. Il est nécessaire de taire, de cacher ce qui sort de la norme et à ces conditions les personnages peuvent se livrer en toute quiétude à leurs travers.


Le livre se lit très facilement. Les chapitres s’enchaînent, l’humour, la dérision accompagne les pérégrinations entre Lima, Miami et Madrid de Joaquín et ses compagnons.


Une intéressante illustration d’une homosexualité qui se revendique dans un climat peu favorable. Le héros bénéficie d’une vie facile et s’il n’était gay je doute qu’il porterait un regard critique envers son environnement social.

HenriMesquidaJr
7
Écrit par

Créée

le 21 oct. 2017

Critique lue 141 fois

HENRI MESQUIDA

Écrit par

Critique lue 141 fois

Du même critique

Jonas
HenriMesquidaJr
8

Critique de Jonas par HENRI MESQUIDA

Magnifique premier film d'un jeune réalisateur ultra talentueux et plein d'avenir. Je l'ai vu en avant première, les acteurs sont tous formidables et bien dirigés, le scénario est malin et tient en...

le 16 sept. 2018

10 j'aime

L'Œuvre au noir
HenriMesquidaJr
9

Critique de L'Œuvre au noir par HENRI MESQUIDA

Pour commencer, si vous avez l'intention de lire ce roman et que vos connaissances historiques sont faibles, il va vous falloir réviser. Je pense très sincèrement qu'il est indispensable de bien...

le 12 mars 2017

10 j'aime

2

Werewolf
HenriMesquidaJr
8

Critique de Werewolf par HENRI MESQUIDA

Attention pas de loup garou dans ce film qui n'est pas non plus un film d'horeur mais un drame psychologique. Nous sommes en 1945. La guerre vient de se terminer mais les premières semaines de paix...

le 2 oct. 2019

9 j'aime