En tant que bi-national, je me rends assez souvent dans ce pays qu'on appelle Algérie. C'est dans la ville d'Annaba que j'ai eu l'honneur de lire ce testament.
Car, oui, pour moi, ce livre n'est rien d'autre que le testament d'une terre qui s'avoue enfin sous sa nudité la plus sublime aux regards ébahis de ses enfants.
Kateb Yacine, avec un style assez unique (j'ai eu un peu de mal au début), nous gratifie d'un tableau d'une nation qui n'est pas encore née, mais qui a paradoxalement toujours existé. A l'instar, d'un Flaubert avec Salammbô (à qui il fait d'ailleurs explicitement référence), il nous livre le récit d'une héroïne, Nedjma (l'étoile), allégorie de l'Algérie convoitée par plusieurs "légitimités", qui joue en réalité un rôle assez secondaire mais omniprésent dans l'histoire. Il s'agit de la terre sur laquelle se passe l'action, nos pieds se trouvent dessus, nul besoin de plus la mentionner. Son regard reste imprimé sous nos paupières lorsqu'elle n'est plus là. Sa beauté envoûte, attise la plus impérieuse des folies.
Perdue, entre sa dimension africaine (sa berberité) et celle d'une ascendance forcée, revers identitaire de l'islamisation (le mythe de l'arabité), l'Algérie est convoitée, déchirée, trahie par ceux qui l'aiment le plus. C'est à travers un récit savamment ficelé, des personnages attachants que se met en place une histoire intelligente.