Arminius chez les Goths
Saison 1 :Nous sommes en 9 après Jésus-Christ. Toute la Germanie est occupée par les Romains... Toute ? Non ! Car un village peuplé d'irréductibles Chérusques résiste encore et toujours à...
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le 3 déc. 2022
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Suétone raconte qu'Auguste aurait grave pété un câble à la suite de la fameuse bataille de la forêt de Teutobourg (9ap J-C) (où trois légions romaines sont décimées) trois semaines sans se raser tout en se cognant le crâne contre les murs.
C'est autour de cet événement historique que tourne la série "Barbares" dernier cru Netflix de cet automne 2020. Commençons par les points positifs, c'est une série qui porte sur Rome et sa relation aux populations dites "barbares", c'est assez rare pour être apprécié. Surtout que les réalisateurs font l'effort de faire parler les romains en latin ! Et ça c'est grave stylé !! Le rythme est très bon, on est tout de suite pris dedans sans jamais décrocher : les six épisodes se regardent avec une facilité incroyable ! Les décors sont bons, l'ambiance est bonne, mis à part deux trois détails on s'y croirait.
Les points négatifs, sans vouloir répéter ce qui a été dit dans d'autres critiques, tournent principalement autour de la psychologie des personnages (Thusnelda est agaçante, Wolfspeer un peu neuneu). Seul le personnage d'Arminius tient à peu près la route (et encore, certaines scènes m'ont laissé un peu pantois sans vouloir spoiler, elles sont sur la fin).
Autre point négatif, mais qui n'est pas si important (ça l'est quand même un peu) que cela lorsqu'on regarde une série, c'est la cohérence historique. J'ai lu dans les critiques ici que certains se plaignent que la bataille soit pas comme ce qu'ils ont lu chez Tacite, Velleius Paterculus ou Dion Cassus, mais franchement les gars y'a pas non plus de quoi faire un scandale. Tout le monde n'est pas forcément aussi tatillon sur le respect des faits historiques, et je pense que les scénaristes avaient conscience des sources latines et de l'historiographie récente, et qu'ils ont simplement décidé délibérément d'adapter librement l'histoire afin de servir le scénario.
Par exemple, si l'on suit les informations de l'historien romain Velleius Paterculus, Arminius n'était pas le fils adoptif de Varus, il a été à Rome pendant sa jeunesse, puis sert l'armée Romaine. Après avoir servi l'armée romaine il devient chef des Chérusques en succédant à son père Sigimer.
Dans la série, le lien père/fils purement fictionnel entre Varus et Arminius sert la dramatisation du récit.
Je vous recopie ici le passage pour que vous puissiez comparez, la référence c'est Histoire Romaine de Velleius Paterculus, Livre II, CXVIII-CXIX
Alors un jeune homme noble, courageux, intelligent, d'une vivacité d'esprit extraordinaire chez un barbare et qui portait sur son visage et dans ses yeux l'ardeur de son âme, Arminius, fils de Sigimer chef de cette nation, après nous avoir fidèlement servis dans la campagne précédente et avoir même reçu de nous le droit de cité et le rang de chevalier, trouva dans la faiblesse de notre général l'occasion de son crime. Il avait pensé, non sans raison, que personne n'est plus rapidement abattu que celui qui est sans inquiétude et que la confiance aveugle est la cause la plus ordinaire des désastres.
Il associe à ses projets, d'abord quelques amis puis un plus grand nombre. Il leur dit, il leur persuade qu'on peut écraser les Romains. Aux décisions il joint les actes et fixe la date de l'embuscade. L'affaire est dénoncée à Varus par un des hommes de cette nation qui nous resta fidèle, un noble, Ségeste. Il conseillait de faire arrêter les conjurés mais déjà les destins étaient plus forts que la volonté de Varus et avaient émoussé la pénétration de son esprit. Car il en est ainsi : souvent un dieu égare l'esprit de celui dont il veut changer la fortune et fait en sorte, par un effet déplorable, que le malheur qui survient paraît mérité et que la mauvaise chance devient un crime. Ainsi Varus répond à Ségeste qu'il ne croit pas à ce complot et déclare que les marques de bienveillance que les Germains lui témoignent s'expliquent par les services qu'il leur a rendus. Après cet avertissement, Varus n'eut pas le temps d'en recevoir un second.
CXIX. -- Les circonstances de cet affreux désastre qui fut, après la défaite de Crassus chez les Parthes, le plus grave qu'un peuple étranger eût infligé aux Romains, nous essaierons nous aussi, après tant d'autres, de les exposer en détail dans un ouvrage plus étendu. Nous ne devons ici le déplorer qu'en peu de mots. Cette armée était de toutes la plus courageuse et parmi les troupes romaines elle se distinguait par sa discipline, sa vigueur et son expérience de la guerre. Mais l'apathie de son chef, la perfidie de l'ennemi, l'injustice du sort l'accablèrent à la fois. Les soldats ne furent pas même autorisés à profiter de l'occasion de combattre ou de tenter une sortie, sauf dans des conditions défavorables et moins qu'ils ne l'eussent voulu, puisque certains d'entre eux furent durement punis pour avoir fait usage de leurs armes et montré leur courage de Romains. Des forêts, des marécages, des embuscades les entouraient de tous côtés et ils furent tués jusqu'au dernier par ces mêmes ennemis qu'ils avaient toujours égorges comme un bétail et dont la vie et la mort dépendaient de leur colère ou de leur pitié.
Varus montra plus de courage pour mourir que pour combattre : imitant son père et son aïeul, il se perça de son épée. L'exemple que donna le préfet du camp, Lucius Eggius, fut aussi noble que fut honteux celui que donna son collègue Ceionius. En effet, alors que la plus grande partie de l'armée avait succombé dans la lutte, Ceionius proposa de se rendre, préférant mourir dans les supplices que dans la bataille. De son côté le lieutenant de Varus, Vala Numonius, homme par ailleurs honnête et doux, donna l'exemple le plus funeste : il s'enfuit avec la cavalerie, laissant seule l'infanterie et essaya de gagner le Rhin avec ses escadrons ; mais le destin vengea ce crime, car Numonius ne survécut pas à ceux qu'il avait trahis et fut victime de sa trahison. Les ennemis déchirèrent sauvagement le corps à demi-brûlé de Varus. Sa tête fut coupée et portée à Maroboduus qui l'envoya à Auguste. Elle reçut enfin la sépulture dans le tombeau de la famille Ouintilia.
On voit bien qu'ils ont essayé malgré tout de rester fidèle au récit de cet historien latin.
Bonne série, je recommande !
Créée
le 7 nov. 2020
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