Nouveau roman de Kim Stanley Robinson, que j'avais laissé bien pessimiste sur l'avenir spatial de l'Humanité après la lecture d'Aurora, roman qui m'avait fort agréablement surpris.


Nous sommes ici sur notre bonne vieille Terre, en 2140, comme le laisse aisément deviner le titre, sur une planète ou le dérèglement climatique et la fonte partielle des calottes glacières a entraîné une montée des eaux d'environ 15 mètres.


Sans surprise, cette montée des eaux a immergé une bonne partie des villes littorales, à commencer par le cadre de ce roman : New-York. Tout le Sud de Manhattan et la quasi intégralité de Brooklyn sont donc les pieds dans l'eau, et la vie a dû se réorganiser en conséquence. Chaque building de Lower Manhattan est devenu une sorte d'immeuble communautaire géré comme une coopérative et produisant une partie de sa nourriture (dans des fermes)


Upper Manathan est devenu le quartiers des affaires et le lieu de résidences des supers-riches au sein des neo-gratte-ciels du quartier. Quand à la zone entre ces deux extrêmes, elle est nommée "la zone intertidale", puisque selon que l'on soit à marée haute, ou à marée basse, elle a ou non les pieds dans l'eau. C'est la zone des précaires par excellence, puisque les immeubles de la zone intertidale sont laissés complètement à l'abandon et sont pour beaucoup d'entre eux effondrés, leurs fondations sapées par la mer.


Voilà pour un peu de contexte à la truelle.


Le récit en lui-même est choral, chaque chapitre étant narré du point de vue d'un.e personnage, le tout réparti entre environ 7-8 personnes différentes.


Le roman traite principalement d'écologie, de politique et de l'économie capitaliste, tout particulièrement dans sa partie financière et spéculative.


À la différence des précédents romans de Kim Stanley Robinson que j'ai pu lire, la caractérisation des protagonistes est plus réussie que de coutume. c'était de mon point de vue l'un des points améliorable de l'écriture de M. Robinson, et je suis content de voir qu'il y arrive. Le roman est donc très engagé et peut facilement prétendre au titre de "petit brûlot anticapitaliste" et explore les rouages de la finance (ce qui nous change des thématiques habituelles de M. Robinson, plus axées sur les sciences dures en général).


Est-ce pour autant plus facile à suivre ? Oui et non. La mécanique du milieu financier, notamment pour sa partie spéculative reste complexe, mais je trouve qu'on se raccroche plus facilement aux branches que quand il parle de physique ou de géologie (après, je pense que c'est chacun selon son bagage intellectuel. Moi la physique, je m'y perds vite).


On explore donc à travers ce roman les moyens que nous pourrions avoir, en tant que citoyens, de reprendre la main sur ces marchés financiers qui accaparent l'argent et les moyens de productions pour leur seul profit.


Alors entendons nous bien, Kim Stanley Robinson n'est pas un anarchiste patenté proposant de brûler le système jusqu'aux racines. Il reste dans le cadre de la Loi et de la société (américaine en l'occurrence) en proposant plutôt une sortie institutionnelle. C'est à dire qu'il ne s'agit pas pour lui de supprimer le système bancaire et le principe d'investissement, mais plutôt de sa reprise en main par les pouvoirs politiques pour les mettre au service de l'intérêt commun.


Un programme qui, pour séduisant qu'il soit, paraît bien peu probable compte-tenu des classes politiques dont nous disposons actuellement.


N'en reste pas moins que le roman est plaisant, et réhaussé par un élément dont je n'ai pas encore parlé : les chapitres du "citoyen".


Comme dit précédemment, le roman est choral et alterne entre différent.es narrateur.es. Et de temps en temps, un chapitre est simplement narré par le "citoyen", qui contextualise la montée des eaux, la fonte des calottes glaciaires, le cheminement des événements ayant conduit à cette année 2140, etc... Et à travers ces chapitres, ce "citoyen" qui nous parle, il apparaît clairement que c'est Kim Stanley Robinson lui-même, qui s'adresse au lecteur de façon direct, pulvérisant à plusieurs reprises le quatrième mur.


Et ces chapitres sont pour moi les meilleurs du roman. M. Robinson y fait preuve d'une verve, d'un humour à froid, d'un ton en somme, qui fait mouche. La présence de ces chapitres justifie à elle seule la lecture de ce roman. Je pense même ne relire que ces chapitres, car je suis sûr qu'à eux tous, ils forment un ensemble suffisamment cohérent pour être lu indépendamment.


Un roman intéressant du coup, pour tout ce qu'il apporte à la palette d'auteur de Kim Stanley Robinson.

Math_le_maudit
7
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le 7 oct. 2021

Critique lue 226 fois

Math_le_maudit

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