Incontournable ( Collection) Mai 2022


"Ni prince, ni charmant" fait parti d'une nouvelle collection de romans courts aux éditions Magnard Jeunesse, "La Brève". Après avoir lu sa sœur "Au poil", de Sophie Adriansen, me voici sur l'un des quatre autres premiers romans de la collection reçu en librairie.



Tristan se fait envoyer un SMS de sa pseudo-demi sœur à près d'une heure du matin: "T"es au courant que ton pote est un violeur?" Tristan demande des explications, mais fini par minimiser les propos rapportés et défend son ami. Mais pour le jeune homme, c'est le début d'une progressive prise de conscience. Diego, son voisin de rez-de-chaussé, est en quelque sorte l'oreille attentive dont Tristan a besoin. Quand ce dernier souligne que les filles sont remontées contre les hommes, Diego puise dans son expérience pour évoquer que les hommes, quand ils se font la guerre, le font sur le corps des femmes. D'où la colère contre le machisme, contre la pression sexuelle et le "Non" ambiguë. D'où la nécessité de changements. À partir de là, Tristan se donne l'objectif de parler à trois personnes: Louis, son meilleur ami, Amina, son ex, avec laquelle il a été "un peu trop insistant" et Zoé, sa sœur par alliance.



C'est étonnant ce que 80 pages peuvent susciter comme réflexion et c’est un peu L'impression que me donne ces petits romans de la collection La Brève: Créer des portes ouvertes, pour ouvrir la discutions et faire prendre conscience de certains enjeux. Ici, l'enjeu central est la notion de consentement. J'ai trouvé l'intervention de Diego vraiment intéressante, quand il évoque que les hommes se font la guerre à travers le corps des femmes, comme les viols comme arme de guerre, la marchandisation des ventres des femmes, le contrôle sur le corps des femmes par le mariage, la prostitution ou même la mutilation. Oui, historiquement, c'est bien vrai que le corps féminin a été malmené et ça continue. Et maintenant il faut se sortir de millénaires d’oppression de ce genre. On commence par où? Par le consentement, ce serait déjà bien.



Donc, déjà, qu'est-ce qu'on entend par consentement? Le personnage de Louis , la caricature du gros macho, évoque que "Pousser, ce n'est pas forcer". Mais mettre la pression sur le/a partenaire, n'est-ce pas forcer l'autre? L'autre élément qu'il évoque est le fait que quand le/la partenaire "commence à chauffer l'autre", il a l'obligation de le "terminer". Autrement dit, quand on commence un acte sexuel, il faut aller au bout. Là était l'acte de violence contre Kate, la fille qui a envoyé un avertissement aux autres filles contre Louis. On est donc sur la question du "Oui" qui devient "Non". Il y a aussi la question de la gestion de la frustration, mal gérée par un bon nombre de gars. Aussi, on évoque la question du "Non ambiguë". Comme le mentionne Louis, un "non" n'est pas toujours un "Non", il peut être simplement une façon de faire croire aux gars qu'elles ne sont pas des filles "faciles". Totalement faux, bien sur. Un "Non" c'est un "NON. Mais il faut aussi comprendre que d'un stricte point de vue de société, et là c'est Zoé qui l'évoque, le message quand au "NON" est flou.



Culturellement, et là, la libraire jeunesse que je suis seconde, on fait dans le flou. Quand je lis qu'un viol peut être consentant, qu"Insister" est une façon sexy de faire sentir son désir et que "Non" veut dire "On ne devrait pas, mais baise moi quand même", c'est enrageant. Et ça se fait aussi en littérature jeunesse, surtout avec les bad-boy, mais aussi également avec le "bon gars" ( le personnage masculin qui croit qu'il va obtenir la fille juste en étant gentil avec elle, mais qui ne tolèrera pas le "Non"). Mais la palme revient aux films et aux séries, aux Netflix de ce monde qui produisent des divertissement au détriment du respect sexuel et du respect de la femme. L'ennui est que cette daube vend, alors qu'importe que ça envoie le mauvais message, ça paie. C'est navrant.Et ça perpétue le flou quand au consentement.



Un élément qui semble aussi ambiguë est toute la question de la justice et de la dénonciation dans les réseaux sociaux. Un élément abordé dans le roman. D'une part, on pourrait ( à tort ou à raison) croire que certaines filles se vengent en accusant les gars d'êtres agresseurs, insistants ou carrément brutaux. Néanmoins, vu la gravité de telles accusations, est-il réaliste que des filles perdent leur temps et compromettent leur réputation pour de telles allégations? Faut-il d’emblée penser que la fille en tire profit? Le débat est lancé. Aussi, les réseaux sociaux, aussi utiles soient-ils pour dénoncer les abuseurs, sert de place publique pour condamner des gens. Néanmoins, ce ne devrait pas être la place pour se faire justice. Là aussi le débat est lancé. Il y a pleins d'élément intéressants qui peuvent être sujet à discutions dans ce petit roman.



Il est évident que le personnage de Tristan évolue très rapidement, la faute au format, mais dans un monde idéal, ce devrait être le cas. J'ai apprécié aussi la discussion entre les membres de la famille, où les points de vue divergeaient, mais étaient écoutés et débattus.



Bref, un bon petit roman pour lancer une piste de réflexion.



Pour un lectorat du second cycle secondaire, 15 ans+.

Shaynning

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