Graham Greene a toujours été pour moi un de ces auteurs qui traînent sur les étagères parentales, le nom en lettres obsolètes sur des éditions vieillottes et poussiéreuses. J'étais donc très motivé pour enfin mettre fin à cette existence silencieuse dans la longue liste de mes auteurs à enfin découvrir. C'est chose faite et je suis assez content de mon choix car "Notre agent à la Havane" est un livre qui échappe aux clichés de l'espionnage à la papa auxquels je pensais de voir le vouer. La raison est que ce bouquin nous propose... une comédie. Et que loin des agents secrets à chapeau mou et des meurtres froid au silencieux, on va suivre les aventures d'un vendeur d'aspirateurs qui va gruger le Secret Service de sa Très Gracieuse Majesté. Délectable!
C'est donc sur le mode ironique que se déroule ce petit roman, qui ridiculise les sérieux services secrets et nous fait partager les angoisses coupables de Wormold, vendeur d'aspirateurs Atomic Pile (oui, c'est la guerre froide, juste après WW2 ) ou assez rusé pour sous-tirer plusieurs salaires au MI6 en inventant des agents fictifs. Même quand de vrais agents débarquent dans son île (nous sommes bien à Cuba) , notre homme ne se laisse pas démonter. Sa fille Milly, ultra-catho indécrottable est une raison de vivre et d’escroquer son monde, apparemment ...
Ce livre se lit comme on regarde un vieux Hitchcock en noir et blanc. Une belle galerie de portraits, des situations à la fois menaçantes et cocasses, des malentendus, des flingues qui sortent des poches et une extraordinaire scène de dîner à la construction complexe et élégante vont vous tenir intéressés jusqu'au bout , même si le suspens n'est pas exactement au rendez-vous. Le livre est composé peut-être avec un scénar de film en tête (Graham Green en produit beaucoup) et on se figure en effet très bien les scènes.
Amusant, décalé, écrit bien sûr dans un style très classique, très "tweed " mon cher, "Notre agent à la Havane" est une comédie de haut vol qui n'a aucun mal à nous convaincre de prendre le parti de son héros malhonnête. Rien d'exceptionnel, mais on sent le talent du vieux conteur briscard, et on apprécie le second degré permanent. Bien agréable, sinon très nécessaire !