Bégaudeau, un des derniers hommes de gauche à l'ancienne qui continue à penser que les questions économiques supplantent le sociétal, d'où sa propension à parler avec tout le monde et notamment le fameux M, son admirateur de l'autre bord.
Le rebondissement est aussi inattendu qu’enthousiasment lorsque l'on apprend que ce fameux M n'est autre que l'initiale de Mehdi. Incompréhension pour l'homme de gauche qui voudrait figer pour l'éternité celui qui affiche quelques ascendances immigrées, dans une idéologie obligatoire où l'indifférence au destin de la France doit être de mise. Alors que pour le nationaliste, l'assimilation, cette incongruité de principe, ne peut qu'émouvoir devant une défense et un amour du pays éternel.
Le livre est foisonnant, Bégaudeau fait réflexion de tout bois, traite un nombre incalculable de sujets dans une approche monologique de celui qui aurait perdu l'esprit.
Impossible de balayer l'intégralité de ce dont traite l'ouvrage, je m'en vais sélectionner quelques bribes éparses qui m'ont particulièrement interpellées.
D'abord, sa goguenardise à l'encontre de ceux qui défendent une identité multiple ou plurielle et qui en plus de faire un contresens puisque identité renvoie à identique, ils assoient un concept qui pour lui ne relève que de l'escroquerie, de la contrebande.
Puis ce passage où il dit que la parole raciste est un auto-érotisme. Et effectivement il y a comme une légère volupté à tenir des propos que la morale contemporaine réprouve. Ce qui a sûrement plus à voir avec la transgression, la subversion, qu'une quelconque teneur des propos en eux-mêmes.
Enfin, lorsqu'il affirme que l'idéalisme droitier relève de l'héroic-fantasy. C'est drôle et plutôt pertinent. Et je les envie ces Identitaires ontologiques. Imaginez le bonheur que ça doit être de vivre en permanence dans Le seigneur des anneaux. Vos héros sont là, prêts au combat et en guise d'européens, d'africains, d'arabes, de juifs ou d'asiatiques, vous voyez des elfes, des orques, des gobelins, des gnomes et des farfadets.
Pour conclure, un livre construit comme une cathédrale, tout l’univers de l'auteur, sa cohérence et sa radicalité, convoquées sur quelques trois cents pages.
A l'en croire tout le monde est dans la confusion et lui seul entrevoit la pureté de la juste pensée, alors que nous autres pauvres bougres n'essayons que de nous adapter à l'époque et aux nouvelles données.
Samuel d'Halescourt