Quelques écrits pionniers de l'écologie politique, et même des situationnistes. Dès les années 30, Bernard Charbonneau et son ami Jacques Ellul dénonce le progrès et l'emprise de la technique dans nos quotidiens. Antifasciste, anticommuniste et antilibéral, les deux auteurs dénoncent un confort toujours croissant et le tourisme, deux phénomènes propres à l'idéologie bourgeoise. Ils proposent plutôt de mener une révolution personnaliste, et égrène des concepts qui évoquent beaucoup ce qu'on appelle aujourd'hui l'autonomie : attachement à un territoire, réalisation en tant qu'individu dans une communauté, production minimale, retour à la nature (mais non pas à une ruralité fantasmée telle qu'on pourrait la trouver dans la pensée de droite).
Dans Le Sentiment de la Nature, Bernard Charbonneau réalise une brève archéologie du rapport de l'homme à la nature, l'image qu'il se fait d'elle, et comment la civilisation l'en sépare. Retourner vivre de manière plus rude et frugale dans les montagnes est pour lui une manière de vivre plus intensément et de façon plus fertile, afin de mieux se réaliser en tant qu'individu.
Le recueil se termine par une complainte sur l'utilisation de l'arme nucléaire, écrit peu après la catastrophe de Hiroshima, preuve selon Charbonneau d'un retournement historique sans précédent. Il y voit la prise définitive de la technique sur l'avenir de l'humanité : il pointe par exemple le fait que personne ne peut tout à fait être incriminé pour avoir utilisé la bombe, chacun n'ayant fait qu'obéir, faire son travail. Néanmoins, il refuse de perdre espoir.