Oedipe tyran de Thèbes, vieillard aveugle qui s'est crevé les yeux après s'être rendu compte qu'il avait accompli la prophétie qu'il avait tenté toute sa vie de fuir. Il tua son père Laïos au cours d'une simple querelle, et épousa sa mère, Jocaste, veuve de ce dernier. Elle lui donna quatre enfants, deux garçons Etéocle et Polynice, et deux filles Ismène et Antigone. Quand elle se rendit compte qu'elle avait épousé son fils, elle se donna la mort. Créon, son frère, reprend le trône. Oedipe passe près d'un an prostré, sans un mot, pendant que ses fils se disputent déjà la succession de Créon. Une nuit, il fait un songe dans lequel il comprend qu'il n'est plus le bienvenu entre les murs de la ville, il décide de partir. Antigone est elle aussi visitée en rêve, elle entend par deux fois son père l'appeler. Bien que celui-ci nie, elle est farouchement décidée à l'accompagner dans sa quête indéfinie hors des portes thébaines. Créon et ses autres enfants laissent partir le vieux roi, maintenant maudit, et ferment la porte derrière lui. L'ancien tyran marche droit, sans éviter les obstacles, une paysanne leur donne quelques vivres et les prévient de se méfier de Clios le bandit, qui se sert de sa beauté pour tuer les femmes. Peu après, Antigone croise le fameux brigand, qui la charme de ses gestes et de son visage. Il propose d'accompagner les voyageurs sur le chemin. Très vite, pensant ne rien craindre de la cécité du vieillard, il tente de tuer sa fille, mais son père la sauve, il n'a rien perdu de son excellence dans le maniement des armes. Clios à terre, il s'excuse et pour se racheter devient le compagnon d'Oedipe, ce qui soulagera la jeune fille qui n'a pas la force pour pourvoir à tout les besoins de son père.

Je suis rentrée avec beaucoup de plaisir dans la suite de l'histoire d'Oedipe, comme quelqu'un qui retrouverait la demeure où il a passé son enfance. Petite fille j'ai été une grande lectrice de mythologie grecque, j'ai cru avoir une attaque quand j'ai vu l'adaptation d'Hercule de Walt Disney. J'avais depuis longtemps délaissé mes héros et mes déesses mais il faut croire qu'ils s'étaient lovés dans un coin de mon coeur, car ils se sont aussitôt manifestés à moi quand j'ai ouvert ce livre. Bauchau a le bon goût de garder ce style sobre, parfois haché qui fait que son récit ne détonne pas au milieu des originaux. Pas d'adaptation au monde moderne, heureusement, cela aurait relevé pour moi du blasphème. Il se permet par contre quelques anachronismes dans les noms des personnages, relevant plus du clin d'oeil qu'autre chose. On trouve en effet le nom d'une muse, d'un tragédien, d'une déesse égyptienne... Et ô surprise, voici Diotime, maîtresse de Socrate (apparaît dans le banquet comme étant à l'origine de sa conception de l'amour) qui devient une guérisseuse d'une rare sagesse. Bien que l'orthographe diffère légèrement, c'est mon pseudonyme depuis six ans, j'étais donc ravie de la trouver dans ces pages. Il y a énormément à dire quant au symbolisme profond de chaque scène du roman et il faudrait faire un véritable travail de commentaire auquel votre humble lectrice n'est pas préparée. Je me contenterai donc de faire quelques remarques succinctes. Antigone est depuis longtemps une de mes femmes préférées en littérature, forte, humble et intelligente, douée d'un amour sans limites qui n'est pas voué à un bel éphèbe mais à sa famille pour une fois. On la retrouve ici avant sa tragédie éponyme, dans le chemin qui l'a faite femme, avec ses doutes d'adolescente, et son caractère déjà bien affirmé. Il y a dans la marche du roi maudit un certain parallèle avec le livre de Damasio, la horde du contrevent, une poésie omniprésente, de la danse, de la musique, une force qui dépasse les protagonistes eux-mêmes. Cette force est la Destinée, ou la Fortune, quel que soit le nom qu'on veuille lui donner, contrairement aux modernes, les protagonistes ne doutent jamais, ou pas bien longtemps, ils semblent doués d'un instinct presque animal, car ils savent que leur vie ne leur appartient pas. Je m'étais arrêtée dans mes lectures d'antan au moment où Oedipe se crève les yeux et j'ignore si il avait été écrit une suite à l'histoire du parricide incestueux. Si cela n'avait pas été fait, je remercie Bauchau d'avoir redoré le blason du vieux roi qui ne méritait pas son sort. Je le conseille à tout les amateurs du genre, et pourquoi pas aux néophytes.
Diothyme
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le 2 juin 2011

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