Patrick Sénécal est ici hors de contrôle !
Le début d'Oniria navigue sur des chapitres relativement calme, prenant le temps d'abord de fixer méticuleusement la scène du roman, un riche manoir un peu à l'écart de tout. Un tel lieu a certes été déjà vu maintes fois mais celui-ci porte une particularité un plus rare. appartenant à une psychologue, le domicile comprend des installations à la fine pointe de la technologie: système de surveillance high-tech; laboratoires modernes; ascenseur; sous-sol infini à la propreté pharmaceutique etc.
Durant ce prélude, le manoir prend plus de place que les personnages eux-mêmes. Il faut dire que ceux-ci - quatre prisonniers en cavale en quête de refuge - sont cliché voire interchangeables. Ces anti-héros se présentent dans Oniria pour subir et non pour dicter. Qui dicte alors ? La maison ou plutôt les mystères qu'elle renferme. Dans cette optique, on peut aisément comprendre le parti-pris de l'auteur. Toute psychologie est passée à la trappe pour se permettre un maximum de spectaculaire.
Et quel spectacle ! Passé la prémisse, le roman est un feu roulant d’horreur, d’extravagance, de folie et de délire sans nom. Des créatures à la bizarrerie sans nom défilent sous nos yeux, les rebondissements s'enchaînent à une vitesse folle et plus les pages passent, plus l'histoire devient un maelström, un grand foutoir où l'effet choc est la première règle. Les pauvres fuyards se retrouvent au centre d'une foire style "si on y a pensé et que c'est horrible, c'est là". La trame narratrice - pourtant solide une bonne partie du livre - finit par abandonner le navire devant la pyrotechnie aveuglante de Patrick Sénécal et on se retrouve donc avec un fameux bordel pour aborder le dernier droit du récit.
Dire d'Oniria qu'il manque de structure serait un euphémisme. L'auteur ayant déjà fait ses preuves auparavant, il ne faut pas douter de ses capacités de narrateur, bien qu'elles semblent ici prises de court par une surabondance de scènes inimaginables. Au contraire, si l'histoire part autant en couille vers la moitié du livre, c'est désiré par le romancier. Oniria se veut un divertissement avant tout, cédant la profondeur au spectaculaire, au même titre qu'un film musclé hollywoodien. Néanmoins, même sous cette optique, le roman souffre d'une grave lacune. La surenchère non-stop se nuire à elle-même : la frénésie proposée blase, tout simplement. En tentant de nous enfoncer toujours plus ses délires horrifiques, Patrick Sénécal ne laisse jamais digérer son lecteur et on finit par passer outre nombre de ses interventions narratives en contemplant passivement plutôt qu'en ressentant les épouvantes. Un peu comme regarder des feux d'artifice à travers une petite télé.
L'un dans l'autre, Oniria est un très bon divertissement, à la fois excessif et survitaminé. L'auteur a tenté une démarche peu commune en littérature québécoise - voire mondiale - avec des résultats mitigés. Si le spectacle proposé impressionne d'abord, il finit par lasser malgré sa courte durée. À essayer !