Il y aurait plusieurs moyens faciles et malhonnêtes de discréditer ce livre.
Le premier serait tout simplement de le résumer, et bien que tentant, et potentiellement amusant de surcroit, je vais tenter de ne pas me laisser séduire par cette solution de facilité.
Et on peut éventuellement accorder à Miller une plume, bien que méprisante et souvent méprisable, emprunte d'une sensualité que la paraphrase tuerait dans l'oeuf (ou les gonades).
Alors pourquoi pas citer quelques passages du Schtroumpf à grosse bite au pays des Schtroumpfettes affamées ? Les lettres qu'il reçoit par exemple ? Ou les nombreux, nombreux passages où notre Narcisse, visiblement en manque de miroir, se décide à lustrer la première chose qui lui tombe sous la main pour mieux pouvoir s'y mirer ? (et il ne tend pas le bras bien loin, pour sûr!)
J'avais envie de lire Miller. Ce livre m'a juste donné envie de l'avoir lu plus à fond pour avoir le plaisir de pouvoir en parler en connaissance de cause.
Injuste de se faire une idée d'un auteur à travers une oeuvre de commande ? Certainement.
Jugement biaisé par la platitude du propos et de l'écriture à peine passable ? Peut-être.
Reste qu'il est de bon ton de faire des courbettes devant Miller, généralement, et que ne pas aimer ce livre est souvent assimilé à une forme de constipation morale.
La vérité, à titre personnel, est que le sourire, l'éventuelle excitation, et avec eux le plaisir de lire, ont trop vite fait place à l'ennui pur et simple.
Comme dans un film porno de base, finalement.
Rare sont ceux qui tirent leur pine du jeu, et Miller n'en fait pas partie.
Et si l'on se plait à défendre le caractère subversif de ce livre, il est bon de rappeler à la mémoire les écrits de Sade qui, bien qu'ennuyeux pour une bonne part, ont causé l'emprisonnement de son auteur. Sans compter que, selon la légende, les plus viscéraux de ses écrits ont côtoyé les dites viscères de très près.
On peut parler de prises de risque pour Sade, de subversion, quoi qu'on pense des ouvrages en question, mais Miller ne dépasse pas le narcissisme ennuyeux et la volonté de provoquer par une imagerie qu'on mettait déjà en scène depuis bien longtemps, et en image (au sens strict) dans les années 20 dans ce qui semblent être les premiers films pornographiques, destinés à l'époque à faire patienter les clients des maisons closes.
Fait amusant, les premiers balbutiements du rock en tant que genre musical, les premières scissions entre rock et le blues, à la fin des années 20, se sont déroulés dans ces mêmes maisons closes, en guise d'accompagnement de ces images souvent radicales.
Ils restent évidemment plutôt anecdotiques historiquement face à l'influence considérable et incontestable du blues sur l'évolution du genre, mais ces occasionnelles perles rares existent et sont autrement plus plaisantes à écouter que certains ouvrages à lire.
En conclusion, si le plaisir se fait la malle, que la provocation tombe à plat, que le style bande mou, à quoi bon insister.
A réserver aux curieux, ou aux partisans qui retrouveront, si j'en crois le résumé disponible ici, les personnages et, au moins à l'état de trace, le style de Miller.
Et aux pornophiles aventureux en quête d'extrémités autres que le bout du mastard millerien, je conseille le très bon Trois Filles de leur Mère, du généralement timide (et souvent poético-médiocre) Pierre Louïs.
Mais bon, lorsque l'ego se trouve sous la ceinture, au niveau de la braguette, si virilement gonflée soit-elle, le sens critique se trouve obstrué.
Ah Miller, quitte à te gargariser de ta propre image, tu aurais dû questionner la qualité de cet ouvrage, en te regardant dans les yeux.
J'ai dit dans les yeux.
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