Titre découvert lors de la lecture du guide de l’uchronie d’actuSF, « Orages en terre de France » nous propose un « et si » original.
Et si la guerre de cent ans s'était muée en guerre de mille ans et qu'elle perdurait encore dans les années 90 ? A travers une galerie de personnages différents Michel Pagel nous fait découvrir ce qui se trame lors de la guerre entre les deux royaumes de France et d’Angleterre toujours en place. La royauté aux commandes, les religions dictent ce qui est juste et ce qui ne l’est pas. D’un côté les bulles papales pour les Français catholiques de l’autre l’archevêque de Canterburry pour les anglicans. A force d’interdits et à force de brandir une volonté des cieux bien imperméable au commun des mortels c’est tout un pan technologique qui se trouve bridé. Quand bien même des nouveautés auraient pu changer le cours de la guerre (c’est d’ailleurs l’objet d’un long passage), ici point d’aéronefs, c’est donc encore à pied que s’engagent les batailles soutenues par une artillerie qui semble bien dépassée. Par cet aspect et d'autres, le monde créé par Michel Pagel semble bancal et ne saurait tenir tel qu’il est décrit en restant au plus près du front. Comment fonctionne l’économie des royaumes ou les arcanes du pouvoir ?
Pagel se concentre sur des individualités et occulte une bonne partie de la description de ce monde. Il n’est nulle part fait mention du reste de l’Europe et du monde. A croire que le reste n’existe pas ou n’a jamais vraiment existé, un parti pris assez étrange. Au final il ne reste que le cynisme des puissants qui se repaissent du conflit. On a également bien du mal à voir où l’auteur veut nous emmener dans le roman, il développe doucement certains faits du monde sans réellement donner de révélation (le très étrange passage avec les gens du voyage …). C’est le même sentiment en parallèle avec les personnages, aucun ne semble avoir de volonté propre. Ils sont ballottés d’un royaume et d’une allégeance à l’autre sans que cela ne les affecte plus que cela ou leur provoque un début de questionnement qui aboutirait à une révolte. Comme s’il était naturel qu’une partie de la jeunesse meure périodiquement lors des affrontements sans qu’il n’y ait rien à redire à cela. Peut-être est-ce la le but de l’auteur, l’homme s’habituerait-il à être sacrifié sans protestation ?
Un roman très intéressant mais par trop brouillon, on aurait aimé un récit plus long et dense pour que se construise vraiment un monde complexe à partir de cette hypothèse séduisante. 6/10