Écrit comme un roman haïku, selon les propre dires de son auteur, Oreiller d'herbe n'est pas un récit traditionnel et surprendra par la teneur de son propos comme par la forme que peut prendre son écriture. Le style est poétique, évasif, parfois direct, parfois évanescent et nous fait part finalement des impressions du narrateur comme s'il les pensait en temps réel. Il ne semble pas y avoir de retranscription, c'est comme si l'on était connecté aux pensées de l'artiste.
Ce dernier fuit la civilisation, en quête de l'impassibilité afin de pouvoir exprimer de manière parfaite son désir d'artiste éloigné des troubles du sentiment que peut causer autrui. Les réflexions sur l'art et la création artistique sont passionnantes et démontre d'une volonté solide du personnage, et de Sôseki à travers lui, de s'éloigner de l'académisme des écoles afin de recoller au plus près de la nature.
Une nature inspiratrice et symbole de liberté, à l'opposé de la civilisation avide de cette même liberté mais pourtant liberticide et encline à exacerber l'individualisme.
Cette quête surprenante est un ravissement pour tout amateur de pensée hors format, non traditionnelle, et ce même si les quelques piques adressées à la culture occidentale peuvent agacer à la longue .
La façon qu'a Sôseki de raconter ses scènes comme s'il les peignait, de mettre en place un dialogue sans introduire la séquence ni présenter les personnages qui vont parler ni même l'ordre dans lequel ils vont parler (je parle de ce dialogue savoureux chez le coiffeur) font de Oreiller d'herbe un roman délectable, sorte de ravissement esthétique qui n'hésite pas à pousser ses réflexions pour toujours surprendre le lecteur.
Un récit court et savoureux comme le haïku qu'il aurait pu être.