Quand j'ai vu la bande annonce de son adaptation cinématographique à venir, j'ai tout de suite voulu lire le roman. J'adore l'ironie et la finesse du style de Jane Austen, tout comme son univers, et je pensais qu'une version où les soeurs Bennet combattent des zombies en crinoline, ce serait super bad ass.
C'était sans compter une écriture dénuée de talent, qu'une idée opportuniste et racoleuse ne suffit pas à rattraper.
Au fil de la lecture, on retrouve chaque scène de l'oeuvre originale, mais au lieu d'une réécriture parodique, on a une reprise à l'identique, le tout dans un style à faire grincer des dents. Des touches d'humour bien senties de Jane Austen, il ne reste rien. Seth Grahame-Smith se repose entièrement sur le rocambolesque des zombies pour faire rire son lecteur. Derrière un concept prometteur, que du vent.
Si l'on connaît bien l'univers de Jane Austen, l'on sait la justesse avec laquelle sont dépeints ses personnages. Les romans de Jane Austen sont des romans sentimentaux, certes, mais ses personnages sont forts, contrastés, réalistes. Ce n'est pas pour rien qu'une Elizabeth Bennet a toujours autant de succès auprès des lectrices. Elle préfigure le personnage de la jeune femme libre et indépendante, cultivée et intelligente. Elle n'est pas un personnage féministe dans le sens où elle ne mène pas une révolte contre les injustices qu'elle subit à cause de son statut de femme ; mais en respectant les codes de son époque et de son milieu, elle fait de son mieux pour rester propre à son caractère et à ses convictions. Voilà pourquoi on l'aime, et voilà pourquoi on aime Jane Austen, qui est loin de vouloir nous enseigner qu'on ne peut trouver le bonheur qu'à travers un homme.
Cette graine d'affirmation féministe présente dans l'oeuvre de Jane Austen, l'auteur d'Orgueil et Préjugés... et Zombies est totalement passé à côté. Pourtant, une parodie ne peut être bonne que si son auteur a étudié tous les aspects de l'œuvre originale. Ainsi, imaginer une Grande-Bretagne rongée par la propagation d'un terrible mal transformant les gens en morts-vivants assoiffés de cerveaux frais, OK ; mais que des jeunes femmes formées au maniement d'armes sophistiquées et au combat rapproché, passionnées de leur discipline et parmi les meilleures tueuses du royaume, qui ont porté serment de servir la couronne et protéger le royaume ne raccrochent pas les armes une fois mariées, ça c'est vraiment trop dur à imaginer ? Seriously, Seth Grahame-Smith ?
Et je vous passe l'incohérence du personnage de Jane, le peu de cas que l'on fait de la pauvre Charlotte, et le sort final complètement WTF de Mr. Wickham (et pourtant, les blagues sur le caca me font habituellement rire).
N'oublions pas de noter l'exotisation de l'Asie et de ses arts martiaux. Il semblerait que l'auteur n'ait pu envisager de jeunes Anglaises ayant appris les disciplines de combat européennes. Apparemment, il était absolument nécessaire qu'elles aient étudié en Chine ou au Japon. Apparemment, il était absolument nécessaire de parsemer le texte de références à des techniques ou châtiments asiatiques aux noms exotiques sans expliquer de quoi il s'agit. Apparemment, c'est OK, en 2009, de s'approprier une culture à laquelle on ne connaît rien et dont on ne se sert que pour décorer son texte sans en développer le fond, le tout à des fins mercantiles.
Bref, un texte riche... de sexisme et de racisme, là où tu t'attendais le moins à en lire. Et pas une seule scène de gore.