Permettez-moi de vous poser deux questions aux enjeux philosophiques cruciaux. Peut-on rassembler des genres et des styles de musiques foncièrement différents les uns des autres sous prétexte qu'ils proviennent d'un même médium, le jeu vidéo ? J'aime certaines musiques de jeu. Non, je n'aime pas la musique de jeu vidéo. Ensuite, est-il pertinent d'écouter une musique créée à la base pour accompagner un médium interactif et qui s'adapte aux actions d'un utilisateur ? Aurais-je le même avis sur les musiques de Nier : Automata en jouant, car elles changent dynamiquement selon l'action, qu'en l'écoutant d'une traite sur un CD de manière linéaire ?


Je plaisante, on ne se prendra pas la tête sur ces questions. Vous pouvez ranger les stylos, le bac de philo est passé.


Vive internet !


Le livre de Rémi Lopez se présente ouvertement comme une sorte de guide d'écoute/d'achat. Moins une anthologie qu'un catalogue des bandes originales qui auront marqué l'histoire du jeu vidéo et de la musique de jeu. Il est normal d'attendre des descriptions succinctes et une liste conséquente de jeu, pas des analyses de musicologue. Chaque o.s.t. est présentée sur une double page avec une mini-chronique et une liste de trois autres albums pour que les lecteurs puissent élargir leur horizon. Les albums ne sont pas classés par genre de musique, ni par genre de jeux, ni par ordre chronologique. On se contente d'un bon ordre alphabétique des familles.


Ce qui est intéressant avec une liste d'album en livre, c'est l'utilisation qu'on peut en faire avec internet et les sites permettant d'écouter de la musique. Dans ma critique du livre Silent Hill, je reprochais essentiellement le fait que le livre avait une concurrence déraisonnable, car tout le monde avait déjà analysé en long, en large et en travers la série sur internet. Ici, c'est l'effet inverse qui se produit. Un livre présentant une centaine d'album dans un monde sans internet ne serait pas un livre très pratique ou alors juste destiné à une certaine élite : ceux qui peuvent se procurer des jeux vieux de 20 ans et qui peuvent se rendre au Japon pour acheter les bande originales... si elles sont encore commercialisés. Autant dire l'intérêt aurait été pratiquement nul. Dans le contexte actuel, ce livre sert de guide à toute personne désireuse de découvrir de la musique de jeu sur le web. C'est un livre qui ne prend son intérêt que dans le contexte actuel de la musique de jeu et de la culture internet.


Ce n'est pas bien différent d'une liste bien réalisée sur SensCritique. Je vous l'accorde. Il n'empêche que dans un soucis de faire découvrir la musique de jeu au plus grand nombre et de garder une « trace » pour les générations à venir, ce livre a toute sa raison d'être. La question ensuite : est-il intéressant pour un joueur ayant une bonne culture jeu vidéo ?


Le corpus


Cela dépend. Je le répète, on n'est pas sur de l'analyse à l'After Bit, mais sur une liste que tout le monde devrait connaître. Si je prends mon cas, je dirais que je connaissais de nom un quart des albums cités dans le livre et j'en avais déjà écouté un quart, et j'estime avoir une culture plutôt lacunaire en ce qui concerne la musique. Avec prêt de 70% d'album de jeux japonais, je doute que le joueur ayant grandi avec moult J-RPG des années 90 et 2000 trouve énormément de surprises à se mettre sous la dent. En d'autres mots, ne vous attendez pas à découvrir 100 albums inconnus, les classiques et les rabâchés sont là, tout comme des pépites méconnues. Le livre n'est pas la pour complaire le lecteur ou l'auteur dans sa culture, on cherche vraiment à faire découvrir des bandes-sons importantes et parfois oubliées. Un bon cadeau pour les joueurs comme les aficionados de la musique.


J'émettrais quelque réserves cependant sur les choix d'album secondaires. Ceux qui orientent le lecteur vers de nouveaux albums s'il a aimé celui qui est présentés en double-page. Ils sont un peu superflus et parfois étranges. Je suis par exemple surpris qu'on puisse dire à quelqu'un ayant aimé la musique de film d'action noir de Max Payne d'écouter la bande-son de Portal 2 avec son côté science-fiction et synthétique... Tout comme je ne vois pas l'intérêt de dire à quelqu'un ayant aimé la bande-son de Kingdom Hearts d'écouter celle de sa suite. Je veux dire, cela tombe sous le sens que la bande-son de l'épisode suivant soit proche du premier et qu'on peut l'apprécier. Un choix d'albums EN DEHORS des musiques de jeu aurait été mieux. On aurait pu faire des ponts entre différents milieux et découvrir de nouveaux paysages musicaux. Par exemple, conseiller des albums de rap et de metal reconnu proche de la musique de MadWorld plutôt que la bande originale de Street Fighter III.


Un ouvrage sympa qui ne vous promet pas la lune, mais qui réalise son objectif premier : étendre une culture musicale peu connue au-delà des forums et des sites internet. Tout en rendant l'utilisation d'internet indispensable. Un guide dans cette jungle et bibliothèque qu'est le net pour de formidables découvertes musicales.

H_Zinzolin
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le 1 juil. 2018

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