Voilà la livre idoine pour commencer l'oeuvre d'Orwell. Pendant longtemps, on ne consentait à parler que de 1984, de la ferme des animaux et sa critique féroce du régime communiste.
Réduire Orwell à ses romans de science-fiction, c'est aussi réduire sa puissance intellectuelle
.Racontant son adolescence, l'auteur montre comment germe la future personnalité de l'écrivain, sa haine de l'autorité établie.
Loin d'égaler la puissance romanesque des grands de ce siècle comme Proust ou Joyce, Orwell va construire ses romans sous la forme du journalisme romancé. Ce n'est que de ce réalisme que peut sortir une critique cohérente du monde, une critique bâtie d'après les fragments de la réalité. Le roman classique n'existant plus comme le miroir qu'on promène le long d'un chemin, il s'agit de trouver de nouvelles formes. Et celle qu'Orwell utilise a de beaux jours devant elle. Précisément, se réclamer d'un réalisme, même s'il est romancé, et que la pâte du texte est retravaillée, c'est faire acte politique. Car même s'il s'est beaucoup occupé de politique, son intérêt premier était la littérature.
Son parcours est chaotique, allant de l'expérience coloniale à celle de la guerre d'Espagne en passant par la rencontre avec les prolétaires anglais. Anarchiste conservateur comme il aime à se définir, il bascule dans le socialisme démocratique, avec une pleine conversion pendant la guerre civile espagnole.
Aujourd'hui, relire ses écrits est un plaisir. Intellectuellement et politiquement, il ne s'est que rarement trompé, son exceptionnelle probité intellectuelle avait comme corollaire une simplicité dans la vie de tous les jours. La brièveté du livre empêche que tous les points soient développés, et Simon Leys se laisse parfois aller à des attaques dont on se passerait bien. Si on laisse de côté ces petits reproches, on découvrira une oeuvre dont on a envie d'approfondir la connaissance. Il est à noter que reproches quant à la rareté des études sur Orwell et l'absence d'édition de ses articles peuvent être gommées.
Sa correspondance et une partie de ses articles dans les journaux sont parus depuis la réédition de l'ouvrage.