Tout d'abord je dois dire que j'ai énormément apprécié l'adaptation cinématographique dirigée par Gia Coppola, ce qui a sans doute influencé ma lecture. Je ne vais pourtant pas faire de comparaison : le film se concentre sur certains personnages et mêle (avec brio) des histoires plus ou moins séparées dans le livre.
Car Palo Alto n'est pas un roman mais un recueil de nouvelles. Les narrateurs changent, il n'y a pas de linéarité dans le récit. On retrouve certains noms plusieurs fois, d'autres pas. Pourtant on n'arrive pas vraiment à identifier un changement dans la narration. Aucune personnalité propre ne se détache de ces personnages. C'est la faute au style qu'a adopté James Franco : les phrases ne sont pas chargées émotionnellement, ce qui contraste avec la dureté de ce qui est décrit parfois. Il y a une certaine distance qui est maintenue. Les événements sont énumérés comme de simples faits. Des lignes se dégage donc une certaine froideur.
Cela peut rebuter, mais cela évite également une dramatisation exagérée. Et je ne pense pas que ce soit un manque dans l'écriture, mais un parti pris plutôt réussi. Les adolescents ont un point commun : ils habitent tous dans la ville de Palo Alto. Ils forment une entité, ils vivent plus ou moins la même réalité. Les soirées d'ennui, entrecoupées de réflexions sur l'enfance, puis la description d'excès en tout genre : drogues, alcool, sexe, vandalisme, violence... La liste est longue.
Un point que je voulais également aborder, ce sont les relations filles-garçons décrites de manière extrêmement malsaines et abusives. Les points de vue sont majoritairement masculins. La perte de la virginité est bien sûr vue pour eux comme un cap important à passer. Le sexe est toujours associé à la popularité. Ceux ou celles qui ne couchent pas sont marginalisés. La plupart des filles sont décrites comme des "salopes" dès qu'elles couchent avec beaucoup de garçons. A côté, on a un garçon qui exploite sexuellement une fille isolée. La violence des relations sexuelles sont explicitées et pourtant le garçon ne voit pas en quoi c'est mal, puisqu'elle n'a jamais dit non. Dans la nouvelle d'April, celle-ci est abusée par son coach de football lorsqu'elle avait quatorze-ans. Son âge n'est mentionné qu'à la fin, on est tout d'abord trompé par le coach qui lui déclare très sérieusement sa flamme.
C'est comme si sous cette coupole étouffante que représente Palo Alto, la normalité était biaisée, et que les personnages ne faisaient plus la différence entre ce qui est bon et ce qui est répréhensible.