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Laissons à Benjamin le soin de présenter son travail : « L’objet de ce livre est une illusion exprimée par Schopenhauer, dans cette formule que pour saisir l’essence de l’histoire il suffit de...
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le 29 nov. 2019
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Laissons à Benjamin le soin de présenter son travail : « L’objet de ce livre est une illusion exprimée par Schopenhauer, dans cette formule que pour saisir l’essence de l’histoire il suffit de comparer Hérodote et la presse du matin. C’est là l’expression de la sensation de vertige caractéristique pour la conception que le siècle dernier se faisait de l’histoire. Elle correspond à un point de vue qui compose le cours du monde d’une série illimitée de faits figés sous forme de choses. […] Notre enquête se propose de montrer comment par suite de cette représentation chosiste de la civilisation, les formes de vie nouvelle et les nouvelles créations à base économique et technique que nous devons au siècle dernier entrent dans l’univers d’une fantasmagorie » (p. 5 et 8 de la réédition Allia).
Qualifié d’« exposé », ce court essai est un embryon du beaucoup plus massif Livre des passages. De fait, le propos est souvent lapidaire, proche du coq-à-l’âne, et c’est au lecteur d’articuler : « L’image de Blanqui passe comme un éclair dans les Litanies de Satan [de Baudelaire]. Ce qui n’empêche que la rébellion de Baudelaire ait toujours gardé le caractère de l’homme asocial : elle est sans issue. La seule communauté sexuelle dans sa vie, il l’a réalisée avec une prostituée » (p. 32).
En plus de l’introduction et de la conclusion, le livre est composé de cinq parties dont les titres (1) mettent assez bien en lumière la corrélation entre la technique et l’imaginaire – c’est dans ce cadre que je comprends la notion de « fantasmagorie » telle que Benjamin l’évoque –, avec l’économie capitaliste pour faire le liant. Dans ce contexte, on ne s’étonnera pas de la fécondité des travaux de Benjamin dans le domaine de la philosophie de l’histoire, aussi dans le sens où elle outrepasse le strict cadre de l’histoire – l’influence marxiste est notable, revendiquée et dépassée par l’auteur.
De là, rien d’étonnant à ce que certains propos restent d’actualité : lire « Les expositions universelles sont les centres de pèlerinage de la marchandise-fétiche » (p. 19) ou « Les expositions universelles furent une école où les foules écartées de force de la consommation se pénètrent de la valeur d’échange des marchandises jusqu’au point de s’identifier avec elle » (p. 20-1), remplacer « les expositions universelles » par « Amazon » ou « le Black Friday », et attendre de voir… Il n’y a même pas besoin de modifier quoique ce soit dans une phrase comme « la mode prescrit le rite selon lequel le fétiche qu’est la marchandise demande à être adoré » (p. 23).
De fait, il me semble que n’importe quel lecteur pourra faire son miel de cette quarantaine de pages, qu’il s’intéresse à l’histoire, à l’urbanisme, à la littérature ou à la technique.
P.S. – Le texte publié a été écrit en français par un auteur dont le français n’est pas la langue maternelle, et ça se voit.
(1) Successivement « Fourier ou les Passages », « Grandville ou les Expositions universelles », « Louis-Philippe ou l’Intérieur », « Baudelaire ou les Rues de Paris » et « Haussmann ou les Barricades ».
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le 29 nov. 2019
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