Est-ce intolérable ou suis-je intolérante ?
Patouch la mouche, ça pourrait être une histoire à la fois mignonne, triste et intéressante. Patouch est sale. Le rangement de sa maison, sa décoration, son hygiène, son alimentation, ses manières : Aux yeux de ses voisins, rien ne va. Alors Patouch décide de faire des efforts pour leur plaire et change à peu prêt tout en elle. Mais ce n'est pas assez, ça ne suffit pas, les mauvaises manières ne se changent pas si facilement que ça. Finalement, Patouch rencontre une autre mouche, aussi sale qu'elle, et ils vivent ensemble heureux loin des intolérants.
Cette histoire en fait me met affreusement mal à l'aise. Le problème c'est qu'avant de parler des voisins, ils passent trois pages à nous décrire les habitudes de Patouch. Et forcément, il est impossible de ne pas partager l'avis des voisins. Surtout qu'ils insistent bien à trois reprises dans le livre sur le fait qu'elle mange "de gros pâtés qui sentaient extrêmement mauvais et dans lesquels il valait mieux ne pas mettre le pied" (je suppose que ça fait rire les enfants). Alors voilà, si c'est un livre pour prôner la tolérance, c'est raté. On est trop loin de s’imaginer être des insectes, avec toute la diversité que cela implique, pour pouvoir accepter le fait d'avoir un voisin aussi répugnant. La tolérance d'accord, mais il-y-a des limites. Et on se sent horrible. Parce que la pauvre Patouch elle est née comme ça, c'est une mouche elle n'y peut rien.
Je ne peux pas m'empêcher d'apprécier le fait que Patouch change. Il faut reconnaître aussi que le nœud dans les cheveux doit jouer pour beaucoup dans mon enthousiasme. Mais elle change pour les autres, elle devrait vouloir changer pour elle. Et forcément ça ne marche pas, et ses efforts sont vains. Etre quelqu'un d'autre que soi-même, ça ne marche jamais. Ce n'est pas pour autant que l'on ne doit pas essayer de s’améliorer, mais on doit le faire pour soi, pas dans le seul but d'être accepté. N'empêche qu'on doit un minimum être adapté.
Alors c'est quoi la morale ? Si la personne qu'on est ne peut pas être acceptée par les autres, rien ne sert d'essayer, mieux vaut aller vivre reclus à fouiller dans les poubelles avec ceux qui nous ressemblent ? C'est tellement pessimiste. En plus dans le cas présent on ne peut même pas reprocher aux autres de la rejeter. Je crois que la seule chose qu'on peut en conclure, c'est qu'il vaut mieux avoir la chance de ne pas être quelqu'un de répugnant à la base. Mais si cette répugnance est juste une métaphore de la différence dans un sens plus léger, les voisins sont horribles et nous aussi par la même occasion. Ca change du tout au tout.