De la neige tombe sur les pages dès les premiers mots, un train vogue entre les échines de l'arrière-pays, il ralentit, une fenêtre s'ouvre. Le vent froid vient mordre les lignes.
L'histoire s'épanouit dans une station thermale entourée de montagnes, construite par les trois voyages de Shimamura. Il pose un regard contemplatif sur la contrée blanche, son histoire et ses événements.
Il se retire de Tokyo une seconde fois, voyageant seul, délaissant femme et enfants. Une rencontre l'année passée, avec une future geisha, l'y a fait revenir. Il a construit avec elle, Komako, une relation à l’ambiguïté troublante. Mêlant amour parfois sensuelle, parfois platonique dont la véritable apparence reste tenue secrète dans l'esprit des deux personnages.
Leur attachement s'alimente de nombreuses conversations dans la chambre de Shimamura, souvent précipitées par des arrivées à l'improviste de Komako. D'un côté, l'homme presque antipathique, passionné par les arts mais bon, de l'autre la beauté d'une femme, dont l'innocence cache une grande intelligence et de nombreuses ressources. Leur amour reste flou, malmené par des rapports alternant tendresse et incompréhension.
Par deux fois, la gare saigne des départs difficiles, découpe leur liaison, le départ du train est empreint d'une grande mélancolie :
Mais pour l'homme qui s'éloignait d'elle à présent [...], cette voix s'estompait déjà dans la distance de l'éloignement, incapable de susciter en lui autre chose qu'un surcroît de la tristesse inhérente aux voyages.
Yasunari Kawabata réussi dans son premier roman, à nous transposer avec grâce et poésie dans une atmosphère froide et pourtant attirante de ce pays de neige, invitant le temps de quelques pages à un exil ressourçant, loin de la ville. La neige omniprésente enferme dans un cocon épineux la relation des deux protagonistes, coupé du monde moderne, leurs discussions semble en dehors du temps.