Je suis inscrit sur Sens Critique essentiellement pour discuter de mon admiration pour les films d’action un peu décalés. Jamais je n’aurais pensé rédiger, un jour, un avis sur un bouquin qui parle jeux vidéo ! Pourtant voici ma 3ème critique (sur 4 ouvrages lus de cet éditeur) la série « Anthologie » de l’éditeur Geeks-Line qui es consacrée, cette fois-ci, à la PC-Engine.
La PC-Engine est une console que je n’ai pas connue. Une sorte de serpent de mer que je ne pouvais qu’admirer en photo dans les magazines qui daignaient bien en parler. Cette console me paraissait d’un ésotérisme fou et je ne comprenais pas grand-chose à son écosystème étrange composé de tout un tas de modèles différents dont je ne saisissais pas bien l’utilité.
Cette console typiquement japonaise, étrange et même temp attirante, avait attisé ma curiosité pendant les années où je jouais quotidiennement. A mes heures perdues dans la période 2000-2005, j’allais sur le web pour me renseigner sur son concepteur Hudson Soft (le créateur de Bomberman) dont la console est quasiment inconnue chez nous en Europe. Mais on ne trouvait que peu d’info, elles étaient parcellaires et éparpillées sur la toile. Ce qui a nourris chez moi une petite frustration de ne pas pouvoir en savoir plus… et puis je suis passé à autre chose.
Mais depuis la découverte de l’excellente anthologie Super Nintendo je scrute de temps à autre les bouquins de cet éditeur. Alors quand j’ai appris que Geeks-Line avait publié un livre sur la PC-Engine j’ai immédiatement réagi puisque le sommaire ne laissait présager que du bon et que ma curiosité d’antan à propos de cette console n’avait pas été nourrie comme il se doit ! Cependant, l’Anthologie NES m’avais un peu échaudé dans le sens ou la qualité d’écriture et le traitement de l’info s’étaient fortement dégradés par rapport à l’ouvrage Super Nintendo. Mais le plus énervant est que je m’étais fait avoir avec l’édition « low cost » de cette Anthologie qui ne comprenait pas la partie « hardware » qui est à mes yeux la véritable valeur ajoutée de ces livres et ce pourquoi je les achète. Donc, débourser 70€ sans être sur du contenu et de la qualité ça vous fait réfléchir un poil. Même en allant en librairie pour feuilleter le bouquin, il était impossible de jauger la partie hardware étant donné qu’elle n’est pas incluse dans l’édition de base. Seule la version « premium » (nommée « Gunhed Edition ») contient la partie hardware, sauf que l’on ne peut pas la regarder en librairie... puisque cette édition ne s’obtient que sur commande via le site de l’éditeur. C’est donc quitte ou double, mais j’avais quand même checké les auteurs et l’on retrouve les mêmes à savoir J’m Destroy, Renaud Lucot et Emmanuel Lesne. Normalement les mêmes personnes devraient donner le même résultat que dans les précédents ouvrages… ou pas.
Qu’en est-il ? L’anthologie PC-Engine ne parle pas que de cette console mais aussi de celle qui lui a succédé la PC-Fx. Je ne la connais que de nom, sans avoir réellement vu ce dont elle est capable. Pourtant elle semble tout à fait intéressante et aussi exotique que sa grande sœur. Malheureusement et autant le dire tout de suite, le bouquin ne m’apprendra pas grand-chose de plus que ce que l’on peu trouver sur internet et c’est bien dommage, car je renifle un certain potentiel inexploité sur la PC-Fx que cette Anthologie ne saura décrire. A mon avis, au vu du coté très obscur de cette machine, l’éditeur n’a pas voulu réserver trop de pages et à éluder le sujet y compris le fonctionnement de la console. Donc, la partie sur la PC-Fx est anecdotique, sans intérêt et pas très inspirée, c’est dommage j’aurais voulu qu’elle soit de même qualité que le reste parce qu’à ce niveau autant ne pas en parler du tout.
Maintenant abordons justement le « reste », le gros de cette anthologie, la partie réservée à la PC-Engine. La particularité des Anthologies de Geeks-Line est de faire découvrir au lecteur la ludothèque complète et détaillée de tous les jeux de la console concernée par le livre. On va dire que cela occupe à la louche plus de 50% de l’ouvrage. Certains tests ne font que quelques lignes, mais les jeux les plus célèbres sont traités plus en détail. N’ayant jamais touché cette console, je suis bien incapable de juger de l’exactitude et de la pertinence des descriptions de chaque jeu. Cependant je découvre quand même que la console a été supportée entre autres par Capcom ou Konami l’un ayant réalisé une conversion très honorable de son hit Street Fighter II et l’autre ayant édité un épisode inédit de Castlevania sur support CD-ROM. Même SNK a édité ses licences comme Fatal Fury ou Art Of Fighting et ce ne sont pas des adaptations au rabais comme j’ai connu sur Mega Drive ou sur Super Nintendo loin de là ! Je suis allé voir sur Youtube par la suite et c’est très impressionnant par rapport aux originaux édités sur Neogeo. Tout ça sur une console toute petite, 8 bits et qui fut, je l’apprends grâce au livre, la première à être équipé d’un lecteur CD-ROM et cela bien avant que ce support ne soit démocratisé sur PC et même dans le salon avec le CD audio (en 1988 c’était encore la cassette et le vinyle chez moi).
J’ai donc commencé par cette partie dite « software » puisqu’elle liste tous les jeux et que je voulais voir par rapport à ceux que je connais des autres machines. Contrairement a ce que l’on pourrait penser, cette partie software n’est pas forcément réservée aux connaisseurs. Elle offre également aux néophytes comme moi la possibilité de jauger du style de jeu et donc de l’orientation de la console à son époque de gloire. Je découvre alors avec joie que la PC-Engine est la reine des shoots et des RPG ! D’un côté, on y trouve beaucoup de jeux anecdotiques et typiques de la culture japonaise, mais de l’autre il y a des perles ludiques qui auraient fait un tabac mondial si la console avait été correctement distribuée. Même SEGA a développé sur la PC-Engine qui était la concurrente de la Master System et même de la Megadrive ! Comment une console 8 bits carrée de 14cm de côtés peut rivaliser avec les 16 bits de l’époque ? C’est là qu’interviennent les parties histoire et hardware qui entourent le la liste des jeux.
La partie histoire est en demi-teinte. Ça commence bien avec les débuts d’Hudson Soft qui sont assez bien menés puis le rapprochement entre Nec et Hudson. C’est plutôt bien raconté et ça permet surtout de comprendre qui a fait quoi. Parce que la console à le logo d’Hudson, son concepteur et celui de NEC sont constructeur. Voilà qui lève un peu le voile sur ses origines. Ensuite, la qualité de cette partie historique se dégrade fortement, avec la traditionnelle ritournelle que j’ai lu dans les précédentes anthologies « Nintendo écrase tout le monde ». C’est globalement un truc que l’on peut lire sur le web et même s’il y a un peu de vrai dans tout ça, je trouve que dans la littérature du jeu vidéo ce prétexte est exagéré et à le dos large pour servir d’alibi à tout et n’importe quoi. Après on parle de la distribution de la console dans le reste du monde, donc hors du Japon.
Cette partie m’intéressait, car personnellement je n’ai jamais vu la PC-Engine en magasin alors qu'elle a été distribuée en France en grande surface. Pour moi c’est une console que l’on pouvait se procurer uniquement en import et je ne savais même pas qu’elle avait été distribuée aux États-Unis… normal elle ne porte pas le même nom. Aux US c’est la « Turbografx 16 » et son histoire est mêlée à celle au Japon puisque NEC l’a distribuée officiellement aux US ce qui permet de remettre en perspective la chronologie de de vie de la console et sa réception auprès d’un public occidental. J’ai trouvé ça intéressant, mais finalement on n’apprend pas grand-chose de neuf par rapport aux pages Wikipédia et un peu d’esprit de synthèse. Le choix du line-up de lancement est abordé de manière pertinente et on a droit à des extraits d’interview ou des articles de la presse généraliste américaine ce qui remet bien dans le contexte de l’époque. Enfin on termine par l’aventure française de la PC-Engine. Mis en face du marché nord-américain c’est très intéressant de voir comme une console de niche avec un fort potentiel peut-être distribuée sauvagement sans même un contrat signé de la part d’Hudson et de NEC trop contents d’écouler leur machine. Il y a dans cette histoire un coté "cowboy" autant pour Jean-Marc Demoly le premier importateur de la console en France que pour les frères Guillemot qui ont carrément localisés la console pour le territoire français sans demander quoi que ce soit à NEC. On en est même à se demander si les chiffres de ventes au japon ne sont pas faussés par ces importations sauvages. Cette histoire est très intéressante et l’on constate que le jeu vidéo n’a pas toujours été cette industrie polissée que l‘on voudrait nous montrer aujourd’hui. Par contre cet historique à les mêmes défauts que l’Anthologie NES, les qualités littéraires sont pas ce qu’il y a de mieux. Ça donne l’impression que c’est écrit à plusieurs mains. Il y a une certaine discontinuité du style et l’on oscille entre le très correct et des phrases à rallonge tarabiscotées qui n’ont pas de sens autre que de noircir la page. On trouve aussi des citations qui sont parfois complètement hors-sujet par rapport au propos développé, on dirait que ça été mis la pour remplir. Pour un lecteur comme moi qui ne connait pas cette console ça passe, bien que ce soit pénible à lire. Mais pour un amateur de la PC-Engine, je pense que ça doit piquer un peu. La partie historique est donc intéressante pour ceux qui, comme moi, on peu de connaissances sur la machine. Pour les connaisseurs en revanche, j’ai l’impression que c’est un peu léger.
Ensuite on passe à la partie hardware qui se divise en plusieurs blocs dont le principal explique le fonctionnement et la philosophie derrière une console comme la PC-Engine. Je ne vais pas faire de suspens, cette partie est tout simplement passionnante ! Mais ce n’est pas seulement ça, que vous soyez technophile ou pas cette lecture est de l’or en barre. Moi qui avais cherché sur le web la raison de cet écosystème nébuleux j’ai eu avec ce bouquin, les réponses à toutes mes interrogations. On passe par le fonctionnement de la console, qui est plutôt élégant et optimisé, au choix du support que sont les HuCard jusqu’à la création du premier lecteur de CD-ROM du jeu vidéo censé remplacer la cartouche grâce à sa capacité de stockage énorme… pour finalement découvrir qu’il impose plus de contraintes que les cartouches ! C’est là que l’on voit le génie d’Hudson Soft, car les auteurs ont réussi par la simple analyse du fonctionnement de console à démontrer que les concepteurs de la PC-Engine sont de pures technophiles qui se sont fait plaisir avec cette machine. Comme le CD-ROM est limité à cause des temps de chargement et du peu de mémoire interne de la console, puisque les données sur un CD ne sont pas accessibles directement comme sur une cartouche, ils ont décidé d’étendre les capacités mémoire de la PC-Engine grâce… à des cartouches contenant de la RAM. Les données contenus sur le CD sont donc copiées dans une cartouche vierge pour être accessibles directement par la console. Le livre explique que le succès du CD est assuré par... une cartouche ! Belle ironie n'est-ce pas ? On apprend aussi que grâce à son port d'extension aucun des divers modèles de PC-Engine n’a été mis de côté. Par exemple la Supergafx, une PC-Engine améliorée, a fait un bide commercial au point que seul 5 jeux ont été édités dessus. Pourtant NEC commercialisera un adaptateur pour que la console puisse être branché sur le CD-ROM et continuer à vivre grâce à la ludothèque de la PC-Engine. Je n’ai pas vécu cette époque réellement formidable en matière d’innovations à tout va, mais le texte de la partie hardware retranscrit très bien cet état d’esprit qui a consisté à faire vivre le plus longtemps possible la PC-Engine pour en exploiter tout le potentiel technique. A postériori c’est nettement plus écolo que de sortir de multiples versions de la même console avec un « Pro » on un « X » en plus dans le nom… ma partie préférée est celle qui explique le fonctionnement des System Card, ces cartouches contenant le système d’exploitation du CD-ROM, mais aussi de la mémoire pour pallier les défauts de ce support. Là aussi NEC n’oublie aucun utilisateur, même ceux de la première heure qui possèdent le modèle d’origine de la console et de son CD-ROM. Il commercialise 2 extensions sous forme de HuCard l’une pour les anciens modèles et l’autre pour les nouveaux puisque plus tard Hudson Soft et NEC commercialiseront une version Duo de la console intégrant directement le CD-ROM. Bref, je vais m’arrêter là sinon ça va tourner au spoil !
Dans cette partie hardware on trouve aussi le fonctionnement du synthétiseur et après avoir lu cette section je suis allé sur Youtube pour écouter les musiques des jeux cités dans le texte. C’est aussi ça la force de cet ouvrage, ce qui y est raconté est étayé de multiples exemples et je me suis amusé à chercher les titres donnés dans le chapitre sur le fonctionnement du son et je dois avouez que je suis raccord avec les auteurs. Enfin, j’apprends que la console a eu comme support de jeu, outre la cartouche et le CD, le Laserdisc ! Un truc complètement improbable quand on voit le jeu vidéo bien propret d’aujourd’hui. Franchement cette partie hardware est intéressante, didactique, richement illustrée et bien écrite. Si je devais chipoter on y trouve encore par ci par là une sorte d’irrégularité dans le style comme si le texte avait été raboté. C’est visiblement une constante chez cet éditeur (en tout cas depuis la NES où c’est vraiment flagrant et catastrophique), mais ici c’est plus soft et moins gênant.
Au final, j’ai pris grand plaisir à lire cette Anthologie PC-Engine, l’historique m’a apporté le contexte et le pourquoi de la naissance d’une telle console tandis que la partie hardware la met à nue et dévoile une machine réellement singulière de par la façon dont elle a été pensée et portée par son concepteur. On y trouve par exemple l'anatomie des cartes mère des divers modèles avec ce que fait chaque composant. C'est vraiment un chouette travail ! Tout ce chapitre sur le fonctionnement de la machine vaut à lui seul l’achat du livre et donne au lecteur les clés pour comprendre ce qu’était le jeu vidéo de cette époque. Il y a une recherche profonde et une démarche quasi scientifique derrière cette partie (quasi parce que ça reste un ouvrage grand public). Maintenant, à cause de ce bouquin j’ai une furieuse envie de m’acheter la console et son lecteur CD pour passer à la pratique et découvrir « en vrai » le feeling distillé par la PC-Engine. Pourtant, les auteurs ont assez bien bossé pour que je puisse simplement me contenter de la théorie parce qu’à présent je sais (presque) tout de cette console et je sais surtout que ça devait être le pied d’être un gamer sur PC-Engine a cette époque. Merci aux auteurs vous avez fait un boulot remarquable et ma curiosité est à présent rassasiée !