De deux choses l’une : soit l’auteur, en décrivant ce vieux flic qui accumule les conquêtes, raconte sa vie et il peut se vanter d’être une sacrée exception. Soit il vient s’ajouter à la longue liste des écrivains mâles qui décrivent leurs fantasmes. Je penche pour la seconde hypothèse. Parce que franchement, un sexagénaire qui met en appétit une jeunette de 20 ans ?!! Un type qui couche avec à peu près toutes les femmes auxquelles il adresse la parole ? Dans la vraie vie, je suis pas sûr. Sauf, peut-être, pour des célébrités, ce qui n’est pas le cas de notre Sunderson, obscur flic à la retraite.
Par contre, rêver de disposer d’une fraîche bombe sexuelle, qui plus est mitonnant de bons petits plats, d’avoir pour voisine une femme qui exhibe son derrière de manière aguicheuse, tout en se conservant l’amour de sa vie, qui lui revient comme par enchantement, voilà qui relève probablement du fantasme le plus banal chez un homme vieillissant. Ajoutons-y une virilité de héros de film américain et des moyens financiers à peu près illimités : on est tenté de voir le genre de vie que Harrison souhaiterait pour lui-même.
Pourtant, Sunderson n’arrive pas à écrire, c’est un écrivain raté. Soit Harrison se considère comme tel, ce dont je doute, soit il a mis en place une sorte de double un peu décalé. Comprenez : moi je suis un écrivain authentique, mais j’aurais peut-être préféré ce que décrit ce livre.
Les fantasmes teintés de regret d’un homme vieillissant : par cet aspect, Péchés capitaux m’a fortement rappelé Le rabaissement de Philip Roth. Harrison y a ajouté une enquête policière de peu d’intérêt. Tout cela se lit sans trop de déplaisir, mais ne raconte pas grand-chose non plus (tout comme Le rabaissement d’ailleurs). Le seul truc bien, c’est l’outrance joyeuse avec laquelle Harrison fait fi de tout tabou, avec la famille Ames : viol, pédo-criminalité et inceste à gogo. Il y a quelque chose d’assez jubilatoire à le voir oser se vautrer dans cette fange.
Pour le reste, ce roman se contente de nous décrire les états d’âmes d’un alcoolique obsédé sexuel. Avec l’évocation du mythe de Caïn, Harrison tente bien de s’aventurer sur les pas de l’impressionnant A l’est d’Eden de Steinbeck, mais on demeure très, très loin de la fécondité du grand écrivain américain. Le lecteur attiré par une réflexion poussée sur la notion de péché en sera pour ses frais.
Une plume de Senscritique qui connaît bien cet écrivain suggère qu’il est à son meilleur dans ses œuvres de jeunesse, tout comme Roth ? Peut-être. Il faudrait alors retenter l’expérience. Mais il y a tant d’auteurs à découvrir ou à approfondir…