"Méfiez-vous du rêve de l'autre, parce que si vous êtes pris dans le rêve de l'autre, vous êtes foutus" (Gilles Deleuze).
"Pedro Paramo" aurait pu servir d'illustration littéraire à cette mise en garde. Car c'est en poursuivant le rêve rêvé par sa mère que le narrateur initial, Juan Preciado, court à sa perte : retourner à Comala, le village où vit le père, et réclamer son "dû" (lequel, nous l'ignorons). Pas davantage que le dû, prévient la mère, mais c'est assez pour inspirer au fils des rêves de toutes sortes : "j'ai commencé à me remplir de rêves, à laisser les illusions grandir. C'est ainsi que je me suis bâti tout un monde autour de l'espoir qu'était pour moi ce monsieur appelé Pedro Paramo, le mari de ma mère".
Du rêve, le jeune homme va en trouver, mais pas le sien. Le reste, c'est à vous de le découvrir. A vous de comprendre pourquoi Juan Rulfo insiste tant sur un champ lexical de la lumière, pourquoi le ciel, le vent, les étoiles et la nuit ont une telle place au cœur du roman.
A vous de voir en quoi "Pedro Paramo" est un texte spectral, où tout un village soupire, murmure, se languit.
A la fin, on lit le titre à voix haute et on finit presque par entendre autre chose, mais quoi ? Pedro Paramo, Pedro Paramo... Paramo. Pedro.