"Je ne ressens que de l'ennui et de la haine"
Le style flirte avec le réalisme classique qu'on trouve en France au XIXe mais s'octroie quelques coups de coude complices au lecteur qui amusent et extirpent un peu le récit de sa mélasse toute intra-diégétique. Ce n'est cependant pas le plus intéressant, sauf pour ceux qui se touchent en pensant à la métatextualité, une main dans le caleçon et l'autre dans un livre de Genette.
Ce qui est vraiment intéressant dans ce livre c'est le personnage de Bazarov, héraut malgré lui du nihilisme. Ce personnage est bien écrit, comme les autres, et on peut dire sans trop se mouiller que c'est sur lui que repose le récit, c'est avant tout ses idées, son sentiment, que l'auteur tente de faire passer, brossant en passant le portrait d'autres types de personnages, tels que le jeune fougueux (Arcade), les propriétaires (le père d'Arcade), les aristocrates (l'oncle d'Arcade), etc..
Ce que je retiens du livre c'est donc cette mélancolie atrabilaire, cette haine inutile et qu'on ne peut s'empêcher de ressentir, cette désillusion constante quant à ce que tout le monde raconte, ce sentiment que rien n'a de sens, que tout fout le camp et qu'en plus y a plus de Nutella. Bref, ce qui est intéressant c'est le portrait du nihilisme, cette omniprésence de l'absurde, qui se ressent jusqu'à la mort. Certes il y a des intrigues, mais elles ne sont pas fascinantes et ne sont que des prétextes à des dialogues bien sentis visant à brosser le portrait de tel ou tel type de personnages : c'est sûrement le but du livre, et sans doute sa réussite.