L’Institution. Un état dans l’état. Un organisme siégeant dans un vaste bâtiment, servi par une fourmilière d’employés très spécialisés travaillant sans relâche à préserver la paix parmi les pays membres.
Le narrateur – dont on ignore le nom – est un de ces électrons. Il est résumain, c’est-à-dire qu’il est payé pour assister à des conférences de tout ordre et pour en réaliser ensuite un commentaire factuel à destination des organes d’information. Il a été embauché pour sa probité, son sérieux et son absence d’initiative. Il se borne aux faits qu’il s’interdit de commenter ou d’analyser.
Ce monde aseptisé et étroitement surveillé nous évoque immédiatement une société orwellienne. Le temps y est suspendu. Les jours se suivent et se ressemblent comme deux gouttes d’eau. Le narrateur y trouve un confort certain, la vie y est aisée et ne pas réfléchir est vu comme une qualité.
Mais un collègue va répandre du sable dans ce bel engrenage. L’homme introduit un livre, un roman dans ce monde dénué de fiction. D’abord réticent, le narrateur mord à l’hameçon et se laisse prendre au piège du doute, de la réflexion, de l’imaginaire.
Dès lors sa vision de l’Institution se modifie. Les murs deviennent trop blancs, les couloirs trop rectilignes, l’atmosphère trop froide, les volumes trop étriqués. Sa pensée aimerait s’envoler mais se trouve gênée par les règles strictes qui régissent ce monde dont on ne sort pas. Sa vie devient terne, ses collègues fades. L’homme redevient critique et remet en cause les fondements auxquels il avait jusqu’à présent obéi sans même se poser de questions.
L’ambiance du livre devient rapidement lourde. Le rythme, passé la découverte des premières dizaines de pages, tombe dans un ralenti pesant. Le narrateur coupe les cheveux en quatre, cherche qui est et ce que veut le fauteur de troubles qui lui a tourné la tête. Et le lecteur que je suis s’ennuie. Aucune empathie particulière pour ce mouton parmi les moutons. Du dégoût pour cette société normalisée et sans saveur dont on a hâte de s’extraire.