« Cette nuit j’ai joui, j’ai joui pour la première fois de ma vie. J’ai senti cette chaleur intense m’emplir de l’intérieur, du vagin au cerveau, partout dans le ventre, la poitrine gonflée de plaisir, la bouche et les papilles pleines de saveurs inconnues. Mon corps a tressauté, j’en ai perdu le contrôle. Je suis émerveillée par ce que mon corps est capable de faire, de l’avoir confronté à ses limites. »
Adèle a 35 ans lorsqu’elle jouit pour la première fois. Cette journaliste, mariée et mère d’un petit garçon avait jusqu’alors aimé tendrement mais d’un amour où le sexe n’était pas primordial. Il a suffi d’une rencontre, avec celui qui allait devenir son amant, celui qu’elle qualifie « d’homme-électrochoc », pour que sa vie bascule, qu’elle s’éveille au désir et accède au plaisir.
Le désir est le point central de ce texte 100% autobiographique. Adèle est le double littéraire d’Adeline. Elle raconte sa transformation, ce que cette naissance du désir à impliqué comme changement, dans sa sexualité bien sûr, mais aussi dans ses relations sociales, son regard sur son statut de femme et sur un corps qu’elle n’avait jusque là jamais mis en valeur, qu’elle n’était jamais parvenue à habiter pleinement. Du désir naît l’accomplissement, du désir naît l’épanouissement : « Dans la jouissance, la distinction entre le corps et le sexe est gommée, la jouissance l’emporte sur tout, la jouissance est le grand Tout ».
Au cœur de cette métamorphose, « l’homme-électrochoc ». Une espèce rare, sans doute en voie de disparition, et que beaucoup de femmes ne croiseront jamais au cours de leur existence : « Mon amant fait partie de cette caste rare d’hommes qui font l’amour avec héroïsme, qui aiment faire jouir les femmes avant d’envisager de jouir eux-mêmes. […] Auprès de l’homme électrochoc, « je suis » à fond, pour la première fois, je n’intellectualise pas une relation, je la vis. Je suis en pleine catharsis inversée. Pour une fois, je ne transforme pas mes émotions en pensées, mais je ne suis qu’émotions et j’arrête de penser. »
J’ai beaucoup aimé cette réflexion sur la jouissance féminine, parfois crue, toujours profonde (la réflexion), n’idéalisant jamais totalement cette métamorphose qui suscita aussi de nombreuses souffrances. Et puis adoré les nombreuses références cinématographiques et les extraits littéraires cités tout au long du récit (Simone de Beauvoir, Flaubert, Henry Miller, Despentes, Louise Labé, Anaïs Nin, Sappho, Yourcener, etc.). Seul bémol, une vision « universelle » dans l’avant propos qui m’a quelque peu gêné, affirmant qu’une vie sans désir sexuel est une vie « sans envie, sans élan, une existence statique, immobile. » Dans son cas particulier, certes. Mais de là à généraliser à l’ensemble des femmes, il me semble que c'est loin d'être aussi simple, et heureusement d'ailleurs.
Je recommande chaudement cette lecture à tous les hommes. Pas parce que l’on donne ici dans le guide pratique, mais au contraire parce que ce livre est tout sauf un guide pratique. Et aussi parce que ce parcours individuel, ce témoignage sans fard, en toute franchise et en toute liberté, ne peut pas nous faire de mal.Un beau portrait de femme en tout cas. Entière, qui assume et s’assume. Vibre, souffre, aime, s’interroge. Et s'épanouit.