Petit Pays est un vrai grand premier roman. Gaël FAYE nous y plonge avec la douceur d’une plume habituée à créer le monde en quelques mots. On comprend mieux son sens de la formule si on se rappelle qu’il est auteur-compositeur-interprète. C’est le défi en chanson, on n’a droit qu’à quelques minutes et peu de mots pour créer un espace sonore, décor à une histoire complète qu’il faut ouvrir, développer et conclure rapidement. C’est ce que réussit l’auteur dans ce premier roman. Même si son récit peut prendre un peu plus d’ampleur pour se développer, la plume reste performante, le récit court, le décor très justement planté et la profondeur du contenu suffisamment forte pour nous attirer dans ses filets, nous plaire, nous questionner jusqu’à nous remuer le cœur.
Petit Pays est l’histoire de la perte d’une enfance… à moins que ce ne soit plutôt le gain progressif d’un âge adulte. Gabriel, enfant ‘mixte’ né d’un père français et d’une mère rwandaise vit l’insouciance de ses dix ans à Bujumbura, au Burundi. La vie sociale y est tellement simple, légère, bigarrée. On se réjouirait presque que Gabriel se fasse volé son vélo pour pimenter un peu sa vie et se poser ses premières vraies questions d’adulte. Quel sens donner à des notions telles que La propriété, la justice, la vengeance, le (bon) droit ? L’enfant apprend la vie, la mésentente, le conflit, la violence, le racisme machiavélique qui tranche sur la longueur des jambes ou du nez… bref, la barbarie ! L’enfant grandit, perd son enfance, gagne le questionnement adulte, bien souvent sans réponse. Que reste-t-il de ces beaux jours, au-delà des souvenirs ?
La force de Gaël FAYE est de maîtriser à merveille la capacité poétique de conter le bonheur et la souffrance, la joie comme la peur, l’aspiration à être mêlée à la désespérance de ne pouvoir être. Et ce, sans jamais donner de leçon, sans jugement abusif pour l’un comme pour l’autre. Il conte, il nous invite à le suivre et à nous interroger à notre tour. On a déjà dit tant de choses sur ces africains, leur génocide clanique, leur migrations au sein de leurs propres terres et celle qui, trop souvent à nos yeux, les réduit aux rôles d’envahisseurs et de prédateurs de note confort mieux installé que notre conscience ! Mais nous a-t-on dit, avons-nous entendu, qu’au cœur de chaque migrant, il y a un pays qui pleure ?
Vraiment, ce 'Petit Pays' est grand ! À lire, à partager !