Grand lecteur de Simenon, et ayant lu quelques Maigret dans ma jeunesse, je suis en train d'y revenir.
J'en picorai un de-ci, de-là. Puis à force de lire dans n'importe quel ordre, mais à grand rythme, je me suis dit que 'tant qu'à faire, prenons les dans l'ordre'.
Et me voilà donc, en 1929-30, avec ce premier Maigret.
En quelques mots, on retrouve quelques marqueurs de signature d'un Maigret:
- la météo, qui a son rôle dans l'humeur de Maigret ou dans le ressenti de l'histoire
- l'ivrognerie de Maigret qui boit des bières comme on boit de l'eau
- une certaine gloutonnerie, où on voit Maigret enfler des sandwichs à la dizaine
- Maigret, en lui-même, comme un roc captant des informations, et en les synthétisant pour refaire l'histoire
- l'humanité de Maigret et son comportement avec les malfrats, des hommes après tout
- Mme Maigret, la femme au foyer docile et soumise
- une approche bourgeoise de la société française, qui comme en Inde, est composée de castes qui doivent se comporter d'une certaine façon, avec une telle intelligence
[Notons que cela est extrêmement présent dans ce premier livre. Moins par la suite.]
Par contre,
- c'est un livre extrêmement violent par rapport à d'autres. Il y a beaucoup de meurtres ou de tentatives. [et peut être, une incohérence par rapport au reste des Maigret, mais je vous le dirai.]
- le livre est d'ailleurs construit sur une incohérence (spolier)
Le frère raté tue son frère et sur la demande du banquier le remplace car celui-ci n'a pas de contact avec le reste de l'équipe. Or ce même frère - qui est un ivrogne et mendiant - n'a pas plus de contact car il n'est qu'un accessoire utilisé par le vrai Pietr. On se demande donc, même s'il joue le rôle, comment il aurait les connaissances nécessaires.
Or toute l'intrigue repose là-dessus.
Le style même de Simenon n'est pas encore atteint. Il est très descriptif, il ne va pas à l'essentiel. Son écriture n'est pas encore épurée et a plein de scories de langage.
Et pour finir, c'est un livre qui a vieilli. Beaucoup de sexisme, oui, mais aussi beaucoup de propos racistes, qui sont de leur époque d'entre deux guerres, mais dont on sait aujourd'hui à quoi ils nous ont mené.
Bien que ce soit le livre 1er, c'est un livre dont on peut aisément se dispenser et pour autant apprécier d'autres Maigret ou d'autres Simenon.