Etoiles, garde à vous

Sous ce titre, ne cherchez pas le récit de l'expérience factuelle de Saint Exupéry face à de rudes combats (en l'occurrence la déroute de la France de 1940) ou un travail d'historien. Il est pourtant bien question de point de rupture, de la mort en filigrane, de débâcle, de questionnement.
L'auteur s'est retrouvé propulsé dans l'enchevêtrement des événements au dessus d'un vol de reconnaissance en forme de caution morale sacrificatoire au dessus d'Arras. Il en retire ici le besoin de donner du sens aux événements, d'aller au delà du gratuit envoi à l'abattoir apparent des choses.
Cette histoire a été écrite en 1942, avant donc la conclusion de la guerre, et constitue un témoignage de première main de la vision de ce "simple" pilote.
Saint-Exupéry revendique ici sa condition populaire, au sens propre du terme, et livre ses introspections, sa quête de sens, face à l'extrême.
On ne découvre aucune aventure intrépide et folle, c'est exprès et constitue l'essence même du récit: l'expérience vécue ne se nourrit que d'une banalité, parfois même bucolique et poétique, quand bien même dans un cadre extrême avec une fin funeste tirée à pile ou face.
Nous entrons ici dans 200 pages d'introspection, de réflexion, d'envie de se trouver soi-même, d'envie aussi de nous communiquer le fruit de l'expérience.
L'écriture est fluide malgré l'aspect divagatoire de l'ensemble. Cela se lit vite, c'est un avantage indéniable, et l'on en retire parfois une mise en perspective personnelle intéressante au détour d'un paragraphe en plus d'un témoignage à chaud.
Tout n'est pas bon, le monologue de pensées de St-Ex n'appartiennent qu'à lui et on ne peut pas adhérer à tout, la longue fin philosophico-religieuse m'a été d'ailleurs particulièrement indigeste.
Pour autant, je suis content d'avoir lu ce récit sans caler et d'avoir pu monter un moment dans la tête du pilote perdu dans cette, comme il le dit lui-même, "drôle de guerre".