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À Lisbon, petite ville du nord des États-Unis, dont le nom peut se lire comme une fausse promesse de douceur et d’évasion, ville sans événement au milieu de nulle part, un jeune homme, David Horn, disparu à quatorze ans, resurgit quatre ans plus tard, amnésique et quasiment mutique.


«Roy et Howard connaissaient bien l’histoire de David Horn. Disparu du jour au lendemain. Le trou, le vide de Lisbon. Chaque ville a un trou, un vide, leur avait dit le shérif Lucas quand ils avaient pris leurs fonctions. Celui de Lisbon s’appelle David Horn. Immédiatement, Howard avait eu cette vision d’un enfant à la bouche si grande qu’elle aurait dévoré son visage.»


Le retour de David Horn, personnage solaire et déjà énigmatique pour la bande d’adolescents qui gravitait autour de lui quatre ans plus tôt, et sa transformation en un être fantomatique, marqué par les années englouties de son adolescence, est le seul événement de cette cité engourdie par l’isolement et le froid, une ville qui devient blanche sous la neige en hiver.


«Devant la porte de sa maison, il déblayait la neige avec une pelle. Il en avait jusqu'à la taille et avançait pas à pas, repoussant le mur blanc de neige compacte, comme un prisonnier creuse un tunnel. Il en avait tellement, de la nuit dense autour du corps, que c’était pareil, ce mur-là de nuit, ce mur noir, à de la neige épaisse qu’on repousse à chaque pas.»


Son absence de quatre ans agit comme un trou noir au dessus duquel tous vont venir projeter leur portrait de David Horn, dans un récit polyphonique, où ce héros en creux est cerné à partir des souvenirs, des fantasmes et des angoisses de ceux qui l’ont côtoyé et qui cherchent à comprendre qui il est devenu : la police, ses parents, son ancienne bande d’amis qui s’est désagrégée, dont Prudence, l’amoureuse, et puis Prince Buchanan, l’homme qui vit à l’écart de la communauté dans sa maison de rondins avec pour seuls voisins les montagnes et le lac.


Imaginant une ville dépeuplée et triste, contrastant avec la nature grandiose qui l’entoure, élevée au rang de mythe par le cinéma et la littérature américains, Hélène Gaudy ne va pas s’engouffrer dans l’intrigue policière mais distille un malaise par moments poignant, et nous plonge avec talent au cœur du désœuvrement d’un groupe de jeunes adultes promis à un destin banal, et au cœur du sentiment de perte d’une adolescence trop vite évaporée.


«Partir vers le sud.
Prudence avait presque oublié. Les idées qu’ils lançaient n’avaient jamais de suite, c’était comme ça, ils y étaient habitués. Leur tendance à la traîne, leur peu de perspectives auraient presque rendu vulgaire, déplacée, la moindre réalisation de leurs désirs.»


Retrouvez cette note de lecture sur mon blog ici :
https://charybde2.wordpress.com/2015/05/30/note-de-lecture-plein-hiver-helene-gaudy/

MarianneL
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le 24 juin 2014

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