Comment diriez-vous que vous ne voulez pas tout ramener à Hitler et à la Seconde Guerre mondiale mais que vous le faites quand même? Personnellement je dirais “Point Godwin”. Corinne Morel Darleux préfère dire “reductio ad Hitlerum”, ce qui, selon moi, donne bien le ton du livre. Un petit précis d’une centaine de pages sur l’effondrement, c’était de gauche, ça me plaisait, mais grande déception. Il est parsemé de termes et d’idées intéressantes, de refus de parvenir, organiser le pessimisme, suspension d’incrédulité, Carpe fucking diem, dignité du présent, conatus spinozien, un fourre-tout non organisé à la manière des ouvrages de divagations philosophiques. Ca plaira aux philosophes de l’ENS, sans aucun doute, car l’ouvrage est inaccessible à qui ne connaît pas déjà les rouages de ce monde tout petit qui parle pour toute l’humanité. Alors si on est tous d’accord que Si c’est gratuit c’est que c’est toi le produit et que l’idée de Cesser de nuire est plus que tentante, que le monde en effet s'effondre et que faire des choses "pour la beauté du geste” (sujet de khôlle de philo en hypo) c’est très émouvant, ce livre est prétentieux en étant faussement humble. Ce livre contient quelques perles de sagesse au milieu d’un océan de grandes divagations personalo-philosophiques sur la beauté de faire pousser ses tomates et on dirait qu’il faut donner un prix à ceux qui ne jettent pas leur cigarette par terre (dont l’autrice fait partie bien sûr). Pourquoi les livres de gauche meurent-ils s’ils ne font pas du mépris de classe semi-conscient toutes les trois pages? Pourquoi insister sur la nécessité pour les pauvres de trouver de la beauté dans leur quotidien, en précisant bien sûr que la pauvreté et le dénuement doivent être choisis et pas subis mais que c’est tout de même beau? Les plus riches polluent beaucoup plus que les plus pauvres. Les plus riches ont le pouvoir politique, culturel et financier de faire changer les choses. Alors pourquoi quand tu as faim il faut sublimer ton expérience pour plaire à la gauche? Pourquoi il faut un bac +3 pour lire un livre sur un sujet qui nous concerne tous? Il y a quelque chose de beau dans ces réflexions sur l’effondrement, dans les exemples littéraires, dans la vie à la campagne. Il y a aussi quelque chose de pourri à rendre inaccessible une pensée importante.
Ce livre a intégré l’ENS de Lyon en carré et en philo, il lève la main pour interrompre le prof et ne pose même pas de question, il fume des clopes à la kfet en expliquant pourquoi il détient toute la raison du monde et meurt s’il ne prononce par le mot “entéléchie” au moins une fois par semaine. Ce n'est pas quelqu’un que j’apprécie.