Tour de mètre

À seulement 22 ans, Paul Verlaine, poète depuis sa plus tendre adolescence, esquisse son premier grand projet lyrique. Et dès les premières pages du recueil, dès son fameux prologue, le ton (si harmonieux) est donné. C’est en se basant sur des lieux et surtout sur une humeur, celle de la mélancolie, que le jeune poète nous crée des poèmes subtilement révolutionnaires. D’un lyrisme puissant, ce premier recueil n’a pas eu le succès escompté. Pourtant tout y est : la regard sensible de la Nature (objet cher à Verlaine), la fascination pour l’être féminin et bien sûr la mélancolie. Car ce recueil qui tourne autour de Saturne, est dominé logiquement par le thème de la tristesse. Une certaine maturité se dégage des vers, notamment celle de la méfiance de l'Amour marquant une rupture face à la naïveté si omniprésente chez les Romantiques de Victor Hugo.

"Nature, rien de toi ne m'émeut, ni les champs
Nourriciers, ni l'écho vermeil des pastorales
Siciliennes, ni les pompes aurorales,
Ni la solennité dolente des couchants.
Je ris de l'Art, je ris de l'Homme aussi, des chants,
Des vers, des temples grecs et des tours en spirales
Qu'étirent dans le ciel vide les cathédrales,
Et je vois du même oeil les bons et les méchants.
Je ne crois pas en Dieu, j'abjure et je renie
Toute pensée, et quant à la vieille ironie,
L'Amour, je voudrais bien qu'on ne m'en parlât plus.
Lasse de vivre, ayant peur de mourir, pareille
Au brick perdu jouet du flux et du reflux,
Mon âme pour d'affreux naufrages appareille."
L'angoisse

Les poèmes correspondent en majorité à des sonnets d’une maîtrise assez admirable. L’insouciance dont fait preuve Verlaine nous donne des histoires innocentes et belles. Celles-ci plaisent surtout lorsqu’elles sont soulignées par le jeu des rimes et des sonorités si présent. Toutefois, le poète maudit sait s'assumer totalement, comme avec la proclamation de son athéisme et son rejet des envolées romantiques.

Verlaine varie ses écrits du vers libre à des formes inédites de poème, comme avec la Chanson d’automne si célèbre.

Le beau vers est digne d’être rapproché de la figure de Verlaine, car un plaisir authentique apparaît à mesure que l’on parcoure le livre. En témoigne sa fraîcheur, son langage brut et son insouciance, ce recueil est un livre à consulter dès le plus jeune âge.

"Les sanglots longs
Des violons
De l'automne
Blessent mon coeur
D'une langueur
Monotone.
Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l'heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure
Et je m'en vais
Au vent mauvais
Qui m'emporte
Deçà, delà,
Pareil à la
Feuille morte."
Chanson d'automne