Je connaissais le Comte de Lautréamont uniquement de nom j'ai j'avais ouïe dire qu'il avait appelé Rousseau "socialiste-grincheur" et l'expression m'avait fait rire, alors que j'aime beaucoup Rousseau.
J'ai commencé par lire Poésies, pensant lire de la Poésie et je dirais que c'est plus un pamphlet contre le roman, contre bon nombre de romanciers et surtout une défense de la morale.
Dès l'introduction j'ai compris que lui et moi ne serions pas d'accord, il veut refuser le malheur, refuser le mal, il rejette Eschyle pour Euripide... Mais c'est absolument fascinant, j'adore lire des gens comme ça qui sont réellement talentueux avec qui je suis en désaccord complet, parce qu'ils disent des choses extrêmement intéressantes, j'ai notamment beaucoup aimé ce qu'il dit sur Racine et Descartes qui auraient pu écrire les livres l'un de l'autre car leur esprit ne ferait qu'un (un truc du genre) alors que maintenant, avec les auteurs plus récents, ce n'est plus possible.
Mais surtout il est tellement extrême dans sa recherche de la morale qu'il finit par dire des choses avec lesquelles, moi, amoral suis entièrement d'accord. Je trouve ça absolument fascinant. Surtout qu'il ne lâche rien, qu'il ne fait pas dans la demie-mesure, et ça révèle finalement une certaine puissance.
Il ne cherche pas à persuader, il fonce, dit ce qu'il pense sans avoir peur de blesser, de se mettre en porte à faux total avec le monde littéraire de l'époque. C'est quelqu'un qui sait ce qu'il veut, qui a abandonné le doute pour la certitude et il parvient à m'emporter avec lui.
Les passages où il dit que "souffrir est une faiblesse, lorsqu'on peut s'en empêcher et faire quelque chose de mieux" ; "La vraie douleur est incompatible avec l'espoir" ; "L'amour d'une femme est incompatible avec l'amour de l'humanité" parviennent finalement à m'emporter et à prendre conscience non seulement de la beauté brute que je suis entrain de lire, mais surtout à retirer mes doutes, mes craintes et à savoir que j'ai raison...