Un bon moyen de savoir si un écrivain est un bon écrivain, c'est de relire ses romans des années après les avoir découverts. Par exemple, j'ai lu pour la première fois les "Harry Potter" vers mes 10 ans, et j'ai adoré bien sûr. Et puis je les ai relus régulièrement avec plaisir, et la dernière fois il y a deux ou trois ans avec la même joie, les mêmes émotions, les mêmes attentes, etc.
Autre exemple, un classique que j'avais tellement aimé petite (vers mes 10 ans aussi, l'âge de boulimie de lecture qui formera nos goûts) : "Bilbo le Hobbit". Je l'ai relu cet hiver juste avant de voir le premier film de Peter Jackson. Déjà j'étais surprise et ravie de constater que j'avais oublié pleeeeein d'aspects de l'intrigue "secondaire". Surtout j'étais enchantée de voir que je pouvais me replonger dans un "livre pour enfant" avec autant de facilité et pour une lecture agréable et divertissante.
Je dis "livre pour enfant", mais c'est pour qualifier ces lectures que j'ai faites aux alentours de mes 10 ans, quand j'allais à la bibliothèque-château les mercredis après-midi et que j'empruntai un peu tout et n'importe quoi pour découvrir le plus de choses possibles (ça allait des romans fantastiques aux mangas d'Osamu Tezuka). Parmi ces lectures, il y avait Agatha Christie. Elle m'a pas mal accompagnée dans mes années CM et début collège, parce qu'il y en avait à la maison, parce que mes parents n'ont jamais dit "non" quand je voulais acheter un livre à la librairie, parce que ça se lisait vite et que le genre policier c'est divertissant, c'est prenant, bref c'est cool j'aime bien.
Évidemment, avec le lycée et ses lectures "sérieuses" (Voltaire, Stendhal, Beckett, Pascal...), on n'a plus tellement le temps de se plonger dans un policier. Et puis on découvre la SF par l'intermédiaire de son grand-frère, tout ça. Sans parler de la fac où les lectures sont encore plus sérieuses, si c'est possible.
Alors voilà, quand au début de la semaine, submergée de travail avant les partiels, écœurée par les films de la Nouvelle Vague que je devais me farcir pour un cours sur le cinéma français, je décidai de tout plaquer et de prendre un livre au pif dans la bibliothèque de l'escalier, et le hasard s'est porté sur un roman d'Agatha Christie.
"Poirot joue le jeu". Pas moyen de me rappeler si je l'avais déjà lu, alors je l'ai commencé. Et comme il se lisait vite et bien, je l'ai fini, et en le refermant je me suis dit "ouais quand même". Agatha Christie, c'est une dame à la vie fascinante (il paraît que son autobiographie est très intéressante, ça fait des lustres que je veux la lire) qui savait planter un décor en quelques mots, donner la psychologie des personnages en trois lignes et installer une ambiance en un claquement de doigts. Le flegme britannique qui transparaît dans les situations et les dialogues n'a d'égal que la cruauté des crimes (généralement des meurtres, sinon c'est moins marrant).
Qui n'aime pas cette ambiance très british des fumoirs de la haute société, rongée de secrets inavouables et où tous les protagonistes ont quelque chose à se reprocher ? L'auteur nous transporte dans ce petit monde auprès d'un Poirot imbu de lui-même mais sympathique, ou d'un quelconque personnage qui mène l'enquête (qui ne pourra bien sûr être résolue que par le détective belge). Les sentiments influent sur le jugement, et le lecteur même averti ne pourra pas s'empêcher de porter de fausses accusations à un moment ou à un autre. J'étais contente de trouver l'assassin avant la toute fin, mais aussi ravie de constater que ce n'était pas "trop facile". Le truc des fausses pistes fonctionne encore sur moi, c'est rassurant.
Enfin bref, je vais arrêter de blablater pour conclure. Moi j'aime bien lire un Agatha Christie de temps en temps parce que c'est une autre époque, d'autres mœurs, et que même si ce monde nous semble complètement extraterrestre, il n'empêche qu'on l'apprécie grâce au suspense et aux sentiments superbement mis en scène. Et puis c'est un petit coup de nostalgie bien sympathique que de se replonger dans ce genre de lecture.