J'ai eu la chance d'assister deux fois à cette pièce de théâtre, dans la mise en scène impeccable de Christian Schiaretti à la Comédie de Reims. C'est une œuvre pleine d'humanité qui arrive encore à nous toucher aujourd'hui.
L'action de cette tragédie historique se situe en Arménie, au IIIème siècle après Jésus-Christ, lors de la persécution des chrétiens par l'empereur romain Décie. Corneille évoque les conséquences de la conversion au christianisme de Polyeucte : conséquences morales et sociales pour le converti lui-même, qui doit rompre avec ses attaches humaines, et conséquences politiques puisqu'il est le gendre du gouverneur romain, Félix.
C'est aussi l'occasion pour Corneille de nous offrir de magnifiques scènes d'amour conjugal entre le héros et sa femme, Pauline.
Pour avoir brisé des idoles, Polyeucte est condamné au supplice par Félix. Polyeucte ne veut pas mourir en laissant seule son épouse. Il lui propose donc de la confier à Sévère, noble chevalier romain et homme de bonne volonté, ancien prétendant de Pauline. Or, celle-ci, qui aime encore secrètement Sévère, préfère rester fidèle à son époux : le dilemme cornélien est bien au rendez-vous !
Le tragédien fait véritablement œuvre de théologien en nous montrant les diverses formes de conversions :
- progressive chez Pauline, qui finit par adhérer au Christ en assistant au martyre de son mari ;
- instantanée, et quasi miraculeuse, chez Félix.
Le tout est exprimé en une langue merveilleuse qui fait beaucoup penser à celle de Racine, c'est tout dire !