Isabel Archer débarque de son Amérique natale, confortablement emballée dans les bagages de sa tante Mrs Touchett. Isabel est orpheline et la seule des sœurs Archer à ne pas être mariée. Tantine, qui n’a pourtant rien d’une philanthrope, prend sa nièce sous son aile.
La jeune fille déclenche l’émoi parmi les coqs en présence. Bien que sans le sou, Isabel attire par sa beauté, son indépendance, son intelligence. Lord Warburton est le premier a tenter sa chance. Richissime, pair d’Angleterre, beau et intelligent, il est LE candidat de Sa Majesté. Celui que tous les pères de famille espèrent pour leur fille. Il est pourtant recalé !
Caspar Goodwood, un riche américain a traversé à son tour l’Atlantique pour suivre la jeune fille qui occupe toutes ses pensées. Isabel ne lui a pas laissé le temps de se déclarer avant de prendre le bras de sa tante. Mais le candidat de la bannière étoilée est lui aussi éconduit.
Ralph Touchett, le cousin d’Isabel s’est lui-même retiré de cette féroce compétition. Très malade, il se sait condamné à brève échéance. Bien qu’amoureux d’elle, il préfère rester à sa place de parent proche plutôt que de faire d’Isabel une jeune veuve éplorée.
De son propre aveu, la jeune fille ne souhaite pas se marier. Elle entend profiter de la vie, naviguer dans le monde et voir le Monde. Sa liberté n’a pas de prix et son célibat ne lui semble pas être un sacrifice si terrible que cela.
Ralph comprend que sa cousine ne pourra tenir bien longtemps cette position héroïque mais précaire : elle n’en a pas les moyens financiers. Aussi persuade-t-il son père mourant de réduire de moitié son propre héritage au profit de la jeune fille. Il suivra rapidement son père et n’aura de pas assez de temps pour dépenser la partie restante.
Isabel Archer accède ainsi du jour au lendemain à une colossale fortune. Outre Lord Warburton et Caspar Goodwood qui n’ont pas renoncé à leur amour, Ralph venait de lancer des chasseurs de dot sur les traces de sa cousine...
Dans ce merveilleux roman, Henry James retrace le parcours d’une jeune fille inexpérimentée. On la trouve fort orgueilleuse de refuser des partis si intéressants. Ce que son entourage nomme « vanité », elle l’appelle « indépendance ». Elle n’entend pas se conformer aux archaïsmes en vigueur en cette fin de XIXe siècle. Elle est une jeune femme moderne et souhaite se prendre en main. Les mœurs usuelles voulant qu’une jeune femme ne puisse exister qu’à travers son époux la révulse. Un beau mariage n’est pas son seul espoir de bonheur.
L’auteur, avec « Portrait de femme » signe l’œuvre la plus aboutie qu’il m’ait été donné de lire parmi son œuvre. Henry James, à son habitude, décrit une société en mutation, encore ancrée dans son héritage suranné de l’Ancien Régime mais encline à l’émancipation. L’institution sacrée du mariage tremble sur ses bases séculaires, certains n’hésitant plus à la remettre en cause. Et par voie de conséquence, la notion de Dieu elle-même est ébranlée (comme elle le sera quelques années plus tard dans Jude l’obscur de Thomas Hardy).
Un livre magnifique que je recommande chaleureusement à tous ceux qui connaissent déjà Henry James et souhaitent approfondir l’auteur. Mais je pense qu’il est préférable de ne pas aborder son œuvre par cette porte. Portrait de femme est son chef-d’œuvre, le roman qui résume tous les autres et que le lecteur appréciera d’autant plus s’il est un familier de l’auteur.
Je suis sous le charme !