Caryl Férey est en soi un personnage romanesque, on le voit dès qu'on pose les yeux sur lui en interview : speed, enragé, inquiet, on se prend à se faire du souci pour lui dès les premières secondes... finira-t-il l'entretien sans renverser la table sur la tête du gars en face ? L'a priori est déjà excellent donc. Ensuite, quand on le lit, ça se renforce. Je n'ai pas écumé sa bibliographie, mais l'excellent Mapuche a achevé de me convaincre qu'on tenait là un écrivain à suivre : écriture nerveuse, inventive, sujet brûlant, cœur d’artichaut déguisé en buisson ardent... gros potentiel. Alors quand j'ai trouvé par hasard sa petite autobiographie itinérante, j'ai eu la curiosité de tendre le bras. Bien m'en a pris : menée à la fourche, en chapitres assez courts, elle nous entraine sur les routes du monde (c'est déjà une bonne chose, surtout quand elles passent par les régions du Chili où mes propres pas m'ont menée) et en défrichage mental à grands coups de tatane dans la tête (c'est encore mieux). Autant dire que le jeune Férey n'a pas dû être une crème à éduquer... on imagine le trouble (euphémisme) de ses parents devant cette graine d'écorché à tendance déglinguée. Mais l'histoire finit bien, puisque la littérature lui a été un baume autant qu'une rédemption. Le gars aime expérimenter, bourlinguer et s'entourer d'amis toujours partants pour n'importe quelle forme de défonce. En prime, son âme incandescente s'enflamme pour les causes qui me parlent : la condition des indigènes, des marginaux, des femmes, la liste serait longue. Alors, même si je ne partage pas (du tout) sa fascination morbide pour la violence et le glauque, je suis sensible aux vibrations généreuses qui émanent de sa prose turbulente. De quoi passer un bon moment en sa compagnie de papier (même si les fautes de français coûtent des points... mais là, c'est un peu vers l'éditrice que je me tourne, un sourcil en l'air...).